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La République est-elle républicaine ?

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Henri Quantin - publié le 17/07/24
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L’esprit du système politique actuel se fonde sur l’inclusion par l’exclusion. Est-ce bien républicain ? se demande l’écrivain Henri Quantin.

L’avantage, avec les États-Unis, c’est que les noms des deux partis politiques qui s’affrontent permettent d’emblée de distinguer républicains et démocrates. A priori, on est soit l’un, soit l’autre. Peu d’électeurs se revendiquent à la fois de l’étiquette de Donald Trump et de celle de Joe Biden. En France, c’est nettement moins clair et la récente lettre aux Français du président Emmanuel Macron entretient hélas la confusion. Il n’y a pas que chez Les Républicains qu’on ne sait plus trop qui sont ceux qui ont le droit d’être appelés Républicains. 

En littérature ou en philosophie, pour mesurer l’écart entre un adjectif devenu courant et le nom dont il est tiré, on pose parfois des questions faussement tautologiques : Descartes est-il cartésien ? Kafka est-il kafkaïen ? Rabelais est-il rabelaisien ? Sur ce modèle, nous mettrions volontiers cette question à l’ordre du jour : la République est-elle républicaine ?

Les démocrates républicains et les autres

La forte mobilisation aux deux tours des législatives, affirme le Président dans sa lettre, témoigne de "la vitalité de notre République". N’est-ce pas "de notre démocratie", qu’il devrait dire, puisqu’il s’agit seulement du nombre de ceux qui se sont "rendus aux urnes" ? La suite ne laisse aucun doute : parmi ces électeurs censés témoigner de la vitalité républicaine, beaucoup ne sont pas républicains aux yeux d’Emmanuel Macron. C’est le cas, au minimum, de tous ceux qui ont voté pour "l’extrême-droite", soit 36% des voix au second tour, contre 25% pour le Nouveau Front populaire et 23% pour Renaissance. Rien de nouveau, d’ailleurs, dans cette incongruité démocratique (mais pas républicaine ?), puisque le Front national (devenu le Rassemblement national) n’eut longtemps aucun représentant à l’Assemblée nationale, alors qu’il obtenait autour de 15% des voix à chaque élection. Certains semblent découvrir avec plus de trente ans de retard cet effet voulu du scrutin majoritaire à deux tours.

Une fois qu’il a exclu explicitement "l’extrême-droite", et elle seule bizarrement, des "forces républicaines", le président Macron a la gentillesse de donner aux destinataires de sa lettre quelques critères pour savoir quels sont les démocrates (appelons ainsi ceux qui sont allés voter) qui sont aussi des républicains :

C’est à ce titre que je demande à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’État de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française, d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays.

L’inclusion par exclusion

L’inventaire se veut-il consensuel ? Les critères définissent-ils les républicains ou délimitent-ils, parmi les républicains, ceux qui sont appelés à gouverner ? Qu’en est-il, par exemple, de quelqu’un qui juge que "l’orientation européenne" actuelle est incompatible avec "la défense de l’indépendance française" ? En réalité, les certificats de vertu républicaine exigés par le Président, quelle que soit leur légitimité, illustrent à merveille l’esprit qui fonde tout le système actuel : l’inclusion par exclusion. Exclusion, mais qui n’ose expliciter ses anathèmes qu’envers "l’extrême-droite", alors que seule LFI — la journaliste Élisabeth Geffroy l’a très bien analysé dans Le Figaro — légitime la violence politique. Inclusion, mais qui n’inclut que celui qui partage vos idées et votre méthode de gouvernement.

L’horizon du parti unique

On ne peut s’y tromper. Alors même qu’il vient de subir trois désaveux cinglants dans les urnes, le président Emmanuel Macron présente à nouveau comme solution à la crise son programme de la présidentielle de 2017 : l’horizon d’un parti unique qui dépasse le clivage droite-gauche. La conclusion légèrement fanfaronne de sa lettre sonne comme un aveu, puisqu’il parle de "cet esprit de dépassement que j’ai toujours appelé de mes vœux". En bref, Emmanuel Macron est mort, vive Emmanuel Macron ! Ce cri-là n’est, je crois, ni démocratique ni républicain.

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