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Législatives : la Constitution ne va pas résoudre la crise politique

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Emmanuel Macron a dissout l'Assemblée nationale après les résultats des élections européennes, le 9 juin 2024.

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Guillaume Drago - publié le 15/07/24
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Le constitutionnaliste Guillaume Drago, professeur à l’université de Paris Panthéon-Assas, analyse les conséquences politiques des résultats du second tour des élections législatives anticipées du 7 juillet. En l’absence d’une majorité claire, stable et cohérente, la Constitution ne va pas résoudre la confusion des esprits.

La Constitution est comme la plus belle fille du monde : elle ne donne que ce qu’elle a… Cette formule connue signifie ici que la Constitution ne peut ni tout prévoir, ni tout régler. Mais elle fixe quelques règles simples qu’on voudrait rappeler pour essayer de clarifier des débats confus dans cette période embrouillée. La situation créée par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024 au soir a un responsable : le président de la République qui a décidé seul, comme la Constitution le permet. 

L’article 12 dispose en effet que "le président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale". L’exercice de ce droit de dissolution, ses motifs, ses conséquences espérées relèvent de la conscience du seul président. C’est devant l’histoire et les Français que sa responsabilité sera engagée, d’autant plus qu’il ne peut être réélu, ce qui aurait permis à nos concitoyens de lui signifier leur appréciation, négative ou positive.

Le vote des Français

Mais le président de la République ne porte pas la responsabilité du vote des Français les 30 juin et 7 juillet derniers. Un peuple adulte politiquement devrait savoir où il va et ce qu’il veut. Or, il faut bien reconnaître que les trois votes successifs — 9 juin pour les élections européennes, 30 et 7 juillet pour les élections législatives — laissent l’analyste songeur sur la direction politique souhaitée par les Français. De là à en tirer la conclusion d’un peuple versatile et colérique, perdu sur son identité et son destin, c’est une conclusion que l’on préfère laisser au lecteur… De même, l’action délétère de la classe politique, l’influence des médias laissent l’impression d’un peuple français influençable, adolescent, qui peut mieux faire.

Ministres ou députés ?

Quelle est la situation constitutionnelle ? Le gouvernement n’est pas "démissionnaire" comme on l’entend parfois. La démission du Premier ministre ayant été refusée par le président de la République, le gouvernement reste en place, en exerçant l’ensemble de ses prérogatives constitutionnelles : il "détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l’administration et de la force armée" (article 20 de la Constitution). De même, "le Premier ministre dirige l’action du gouvernement. Il est responsable de la défense nationale. Il assure l’exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l’article 13 [nominations faites par le président de la République], il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires". Les ministres exercent donc toutes leurs prérogatives : nominations, signature de textes réglementaires, pleine autorité sur leur administration. 

Mais quid des ministres qui viennent d’être élus députés ? L’article 25 de la Constitution renvoie à une loi organique du 13 janvier 2009 qui prévoit que "les députés qui acceptent des fonctions gouvernementales sont remplacés, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de ces fonctions, par les personnes élues en même temps qu'eux à cet effet" (article LO 176 du code électoral). Donc, après la cessation de ses fonctions ministérielles, un ministre retrouve son siège sans nouvelle élection dans un délai d’un mois, sauf s’il y renonce expressément, dans ce délai. 

Éviter le mélange des genres

Cette question, autrefois anecdotique en présence d’une majorité parlementaire stable, prend aujourd’hui une forte coloration politique en ce que certains ministres — à commencer par le Premier ministre, élu à la présidence de son groupe politique à l’Assemblée nationale — sont candidats à des fonctions parlementaires importantes (président de groupe politique, de commission, …), et que le retour des dix-sept ministres du gouvernement dans le sein de l’Assemblée est un apport non négligeable pour l’ancienne "majorité présidentielle".

Mais il faut alors appliquer une règle fondamentale, inscrite dans la Constitution de 1958 pour éviter le mélange des genres, selon laquelle "les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire [...]". Cette règle impérative s’impose quelle que soit la situation du parlementaire… et du ministre, même démissionnaire. Le ministre doit donc démissionner formellement de sa fonction au gouvernement pour exercer sa fonction de député à l’Assemblée nationale.

La confusion des esprits

On mesure ici combien ces règles complexes n’avaient qu’une importance secondaire en présence d’une majorité claire, stable et conséquente dans une Assemblée nationale reflétant la majorité claire de l’opinion des Français. Le "ni de droite, ni de gauche" du macronisme a fait exploser les catégories politiques classiques et le "Front républicain" a joué à plein pour empêcher l’accession du Rassemblement national au pouvoir. Notre classe politique est aujourd’hui éclatée et incohérente. 

Les raisons conjoncturelles qu’on vient de rappeler ne sont que la face émergée d’un iceberg d’absence de convictions profondes au service de notre pays, de ses enfants et du bien commun. Quand le "Diviseur" se présente, sa première victoire est la confusion des esprits. Notre pays ne pourra en sortir que par un profond renouvellement de sa classe politique et un véritable esprit de service et d’abnégation, plutôt que par le spectacle de la répartition des postes et des portefeuilles. 

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