C'est par jalousie que, dans un temps hors du temps, un homme tua son frère. "Abel devint berger, et Caïn cultivait la terre" (Gn 4, 2). Quand Dieu agrée l'offrande d'Abel mais ne "tourne pas" son regard vers celle de Caïn, la rage gonfle le cœur de ce frère qui, aussitôt, jalouse son cadet. "Le péché est accroupi à ta porte. Il est à l’affût, mais tu dois le dominer" (Gn 4, 7) prévient le Seigneur : pourtant, Caïn, libre de faire ses propres choix, quoiqu'enchaîné par sa jalousie, choisit de tuer son frère. Cette jalousie, passion similaire à "un cancer pour les os" (Pr 14, 30), n'en finit pas de ronger Caïn jusqu'à braver l'ultime interdit : tuer. Lorsque Caïn tue, il ne tue pas n'importe qui : il tue celui qui partage son héritage et son sang.
La colère sourd, bestiale, de la jalousie et mène au crime fratricide. C'est la nature même de la jalousie, instinct de mort, qui veut que l'un possède ce qu'il n'a pas mais que l'autre détient : une femme, un époux, une maison, un travail, un bien matériel ou spirituel, une situation ou une reconnaissance. La position initiale, primitive, dans la Bible du meurtre d'Abel par Caïn manifeste non seulement le fait que la jalousie est inhérente à la nature humaine, mais aussi qu'elle n'est pas chemin de vie. Arrêter d'envier ce que possède l'autre, c'est aussi contempler avec reconnaissance et gratitude ce que l'on a soi-même pour se souvenir que Dieu aime, connaît et comble chacun de ses enfants et que les grâces abondent pour qui veut bien les recevoir.