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Après les législatives, un nouveau Tiers-état ?

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François Piquemal, député LFI, refusant de serrer la main de Flavien Termet, benjamin de l'Assemblée et député du Rassemblement national, 18 juillet 2024.

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Xavier Patier - publié le 23/07/24
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Certains élus, certains électeurs, ne pèsent pas autant que les autres : ils sont le nouveau Tiers-état dont le seul droit est d’être méprisé. En instaurant une inégalité des droits politiques, l’Assemblée nationale est en train de renier la République, dénonce l’écrivain Xavier Patier.

Les Français ne voudront pas avoir voté pour rien, disais-je dans une précédente chronique, et aussi que la diabolisation serait le degré zéro de la réflexion politique. Nous y voici ! Les électeurs ont massivement voté. Ils ont exprimé ce qu’ils ne voulaient pas. Ils ont exprimé aussi qu’ils ne savaient pas très bien ce qu’ils voulaient. Dénoncer ce qu’on ne veut pas, ignorer ce qu’on veut, l’opinion française a souvent connu ce malheur électoral qui mendie une réponse politique courageuse. Cette détermination désespérée exprimée dans les urnes appelle une solution politique responsable qui à cette heure fait défaut. La bien-pensance vient de s’offrir avec le nouveau bureau de l’Assemblée nationale une satisfaction à court terme qui pourrait bien être payée au prix fort à moyen terme.

L’inégalité des droits politiques

Car si Français n’aiment pas le désordre, ils détestent l’inégalité. On leur offre depuis deux semaines le spectacle de la pire des inégalités, qui est l’inégalité des droits politiques. Notre histoire semble s’écrire à l’envers. Nous régressons de l’Assemblée nationale vers les États généraux. Nos élus réunis au Palais-Bourbon se sont séparés en trois ordres : le Clergé du Nouveau Front populaire, la Noblesse du centre républicain et le Tiers-état du Rassemblement national. 

Nous découvrons qu’un député du Tiers ne vaut pas autant qu’un député du clergé ou de la noblesse. Le clergé nous assène sa supériorité morale. La noblesse nous impose l’aristocratie de sa naissance, devenue aristocratie de l’adolescence par la grâce des classes préparatoires aux grandes écoles. Le Tiers ne pèse pas. Pour bien le montrer, les délégués du Clergé ont refusé de serrer la main des députés du peuple. "Populisme" est le mot magique qui permet à nos élites de mépriser les pauvres sans complexe.

Le populisme est un néologisme inventé par les riches pour faire croire aux pauvres que leurs idées sentent mauvais.

On dit que l’art contemporain est une invention des riches pour faire croire aux pauvres qu’en plus ils sont bêtes. Le populisme est un néologisme inventé par les riches pour faire croire aux pauvres que leurs idées sentent mauvais. Chez nos élites de la noblesse et du clergé, le siège de la réflexion a quitté le cerveau pour rejoindre le nez. Est-ce un progrès ? La diabolisation est une formidable machine à éteindre les intelligences. La politique a renoncé à produire de la pensée. L’échange d’idées est désormais interdit. Nous ne pensons plus, nous sentons. Pour être plus précis, nous découvrons au grand jour que les élites françaises ne peuvent pas sentir le peuple.

Un peu moins de mépris

Ce faisant, la noblesse et le clergé ont lancé aux gueux du Rassemblement national, notre nouveau Tiers-état, un cadeau inespéré : ils leur épargnent le fardeau d’être associés au fiasco qui s’annonce. Ils sauvent la virginité du parti de Marine Le Pen jusqu’aux prochaines échéances nationales. Était-ce le résultat qu’ils cherchaient ? Est-ce cela l’intérêt supérieur de la Nation ?

Vers quelle aventure cet amateurisme nous conduit-il ? Bien savant qui saurait le prédire. À défaut, essayons déjà de lire le présent : la République, qui selon notre Constitution est "le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple" tourne ces jours-ci au gouvernement des élites, par les élites, pour les élites. Autrement dit, la République est en train de se renier elle-même. Elle s’aventure dans des territoires inconnus. Le moment est venu de méditer le propos prémonitoire écrit par l’abbé Sieyès en janvier 1789 : "Qu’est-ce que le Tiers-état ? Tout. Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien. Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose." En version 2024, cela donnerait : "Qu’est-ce que le Rassemblement national ? 11 millions d’électeurs. Qu’a-t-il été jusqu’à présent au bureau de l’Assemblée ? Rien. Que demande-t-il ? Un peu moins de mépris."

À la racine des Révolutions, on trouve souvent la trace d’une humiliation, l’image d’une main tendue qu’on a refusé de serrer, la condescendance morale à l’égard des pauvres et des petits.

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