Lorsqu'elle se rattache au champ de la psychologie, la culpabilité, nous dit l'Académie française, tient au "regret ou [au] remords de celui qui a commis une faute". Poussée à son paroxysme dans le complexe, elle pousse à "se croire coupable de fautes imaginaires, ou [à] exagérer sa responsabilité à l’égard de fautes réelles, et d’en attendre une punition". Le remords perpétuel, dans le fait de culpabiliser en permanence, consiste à s'enfermer dans le "reproche violent que le coupable reçoit de sa conscience", toujours selon l'Académie. C'est retranchée jusque dans ce travers que la culpabilité devient nocive, puisqu'elle révèle, pour le chrétien, un manque de confiance en l'infinie miséricorde de Dieu qui pardonne toute faute. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que le chrétien peut passer outre la justice des hommes, surtout lorsque la faute qu'il a commise est grave et demande réparation.
Lorsque, lors du sacrement de la réconciliation, le prêtre prononce in persona Christi ces paroles : "Je vous pardonne tous vos péchés", il rend efficace cette parole performative qui libère le pécheur du poids de son offense. C'est, alors, une tentation que de se penser indigne de cette liberté que le Christ a rachetée au prix de sa vie. C'est là tout le sens du péché de Judas : "Judas, qui l’avait livré, fut pris de remords ; il rendit les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens. Il leur dit : 'J’ai péché en livrant à la mort un innocent.' Ils répliquèrent : 'Que nous importe ? Cela te regarde !' Jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre." (Mt 27, 3-5). C'est là tout le drame de l'Iscariote qui fait dire à Mauriac dans sa Vie de Jésus que le pendu du Champ-du-Sang "aurait pu devenir un saint, le patron de nous tous qui ne cessons de trahir. Il s’en est fallu de très peu que les larmes de Judas ne fussent confondues, dans le souvenir des hommes, avec celles de Pierre."