Voilà un décor somptueux pour une chapelle familiale ! Au XVIIe siècle, il était d’usage, dans certaines églises ou cathédrales, de concéder des chapelles à des familles ou à des confréries capables de les entretenir. Cette concession permettait à l’Eglise d’alléger les dépenses d’entretien des bâtiments, et aux laïcs d’assumer une forme de mécénat artistique. Un droit de sépulture pouvait y être associé. Dans la cathédrale de Montpellier, ce sont ainsi treize chapelles qui ont été laissées aux bons soins de laïcs, à charge pour eux d’en assurer le décor.
Le consul à la cour des comptes, aides et finances de Montpellier Jean Deydé devient propriétaire d’une concession en 1643. Il veut en faire un mausolée pour sa famille. Les plus grands artistes sont sollicités pour que la chapelle soit ornée d’un somptueux décor de marbres blancs et colorés ainsi que de peintures. Pierre Puget, peintre et sculpteur de Louis XIV, conçoit l’ensemble du décor et dessine le projet. Un marbrier italien est chargé de tailler les marbres, signe d’échanges artistiques féconds entre la France et l’Italie.
Saint Joseph à l’honneur
Plusieurs grandes toiles sont commandées sur le thème de la vie de saint Joseph, en hommage au père du commanditaire, prénommé Joseph. Nicolas Mignard reçoit celle d’une apparition de l’ange à saint Joseph. Le peintre, originaire d’Avignon, a été appelé à Paris par le roi. Lorsqu’il achève son œuvre, Mignard vient d’être reçu à l’Académie royale de peinture et sculpture. Une consécration.
L’artiste illustre la scène rapportée par saint Matthieu. L’ange enjoint Joseph de partir pour l’Egypte afin que Jésus échappe au massacre des enfants de moins de deux ans décidé par Hérode (Mt 2, 13) :
L’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : "Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr."
Ce tableau fut le premier élément décoratif important. à être installé dans la chapelle. Le chantier durera plus de quinze ans, ce qui donne une idée de l’ampleur des travaux.
Un environnement artistique difficile à reconstituer
Mais cet extraordinaire ensemble de marbre est démantelé en 1794. Les différentes pièces sont éparpillées. Après le Concordat de 1801, certaines parties du décor sont remployées dans diverses chapelles de la cathédrale, d’autres fragments retrouvent leur place, mais des pièces ont été vendues. On en retrouve même au Metropolitan Museum de New York.
Des essais de reconstitution du décor ont eu lieu, mais il semble impossible d’imaginer que la chapelle puisse un jour retrouver sa splendeur passée. Cet ensemble, qui devait suggérer les beautés du paradis, est aujourd’hui bien plus modeste que lors de sa création. Mais "l’apparition à Joseph", reste bien visible, à l’emplacement auquel il était destiné dès sa création.