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Le supplément d’âme de Biscornu, un traiteur pas comme les autres

Olivier Tran à gauche, avec Jérémie, un apprenti.

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Cécile Séveirac - publié le 07/11/23
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Olivier Tran, 47 ans, a abandonné sa carrière dans l'industrie aéronautique pour fonder en 2020 un service de traiteur haut de gamme et une association qui forme et facilite l'insertion dans les entreprises des jeunes porteurs de handicap mental. "Il y a un chemin à construire entre le monde du handicap et la société", affirme ce père de famille à Aleteia. Rencontre.

Le quotidien d'Olivier Tran était celui d'un père de famille de trois enfants, cadre dans l'industrie aéronautique à la carrière prometteuse. Ce quadragénaire aux manières calmes et posées n'a a priori rien d'un révolté. Pourtant, c'est bien de la révolte qu'il a ressenti lorsque son fils Alexandre, ne se sentant nulle part à sa place, a dû arrêter l'école à 14 ans en raison de ses troubles autistiques sévères. C'est encore la révolte qui a poussé Olivier, en 2020, à mettre un coup d'arrêt net à sa carrière pour chercher une solution à cette exclusion. Car son petit garçon va jusqu'à regarder des vidéos sur le suicide. Aucune structure spécialisée n'existe alors pour le prendre en charge. "C'est une aventure qui part d'une douleur personnelle", concède Olivier Tran à Aleteia, "celle de constater la solitude de mon fils et de se sentir impuissant".

En 2020, le père de famille fonde donc Biscornu, service de traiteur inclusif qui embauche déjà 120 jeunes salariés. Avec l'association Afuté, il forme et facilite l'insertion dans les entreprises d'apprentis âgés de 14 à 30 ans, porteurs de handicap mental, grâce à des partenariats avec des grands groupes comme Accor, Sodexo, ou encore GSF. Les jeunes commis sont formés à Colombes (Hauts-de-Seine), dans la cuisine centrale des villes de Colombes et Clichy qui prêtent volontiers leurs équipement. Olivier Tran a alors un objectif en tête : réveiller les consciences et proposer un modèle de société qui intègre pleinement les personnes porteuses de handicap.

Sortir du cadre, accepter la différence, dessiner un monde avec des lignes obliques, voire tordues : c'est le message que porte "Biscornu".

"Je voulais que ce soit un cri, un appel à une mobilisation générale pour donner une place à part entière à ces enfants. Le monde du handicap vit en circuit fermé, il n'y a pas de ponts avec la société", constate Olivier Tran. "Il y a un chemin à construire entre ces deux mondes, pour donner leur place à un maximum de personnes handicapées. Tout ce qui ne rentre pas dans le cadre habituel n'est pas forcément bon à être jeté aux oubliettes." Sortir du cadre, accepter la différence, dessiner un monde avec des lignes obliques, voire tordues : c'est le message que porte "Biscornu", service de traiteur haut de gamme

handicap, autisme
Olivier Tran et son fils, Alexandre.

Catholique, Olivier Tran a vu sa foi vivifiée par son changement de vie radical. "Quand on est catholique, on croit fondamentalement à la valeur du don, à la générosité envers autrui. Jusqu’ici, j’étais cadre, je faisais fructifier des profits, mais je ne donnais pas à mon prochain", relève-t-il. "Aider les autres, c'était trouver en tant que chrétien le moteur de l'amour."

Un message universel

Lorsqu'il se lance dans ce nouveau - et ambitieux - projet de vie, l'ancien cadre supérieur ignore pourtant tout du domaine. "Je n'y connaissais rien, avoue-t-il, pas d'expérience, pas de connaissances, pas de réseau, rien. Je partais de zéro." Pas de quoi impressionner Olivier, prêt à déplacer des montagnes pour son fils. Mais pourquoi la restauration plutôt qu'autre chose ? "J'avais comme volonté de transformer l’exclusion en excellence collective. C'est un message que je souhaitais universel, or, le métier de restauration touche tout le monde car nous avons tous besoin de manger. C'est quelque chose qui parle beaucoup aux gens... et surtout aux Français", sourit Olivier Tran.

J’ai un rêve : que les 2 millions de personnes atteintes d’un handicap mental puissent s’intégrer dans cette société, même avec de petites contributions, plutôt que de créer des silos, des mondes séparés.

Jérémie, apprenti, lors d'un concours culinaire inclusif à l’École Ducasse le 23 septembre 2022.

Rapidement, l'initiative séduit et Olivier reçoit du soutien. Chefs étoilés et meilleurs ouvriers de France, de Michel Roth à Jacques Maximin en passant par Johanna Le Pape, lui fournissent gracieusement plusieurs recettes pour contribuer à la formation des jeunes. Pour ceux qui ne peuvent ni lire, ni écrire, Olivier Tran crée ex-nihilo une méthode d'apprentissage : la méthode des futés. Celle-ci consiste à représenter des séquences de gestes pour faire comprendre aux élèves ce qu’on attend d’eux grâce à des dessins. Chaque étape est décomposée pour permettre la réalisation d’une tâche. Afuté forme actuellement 50 apprentis, mais pourrait bien s'agrandir dans les prochaines années : "Nous avons eu l'accord du ministère du travail pour former 200 personnes d’ici juin 2024. Cela prend une certaine ampleur", se réjouit ainsi Olivier Tran. "L'objectif, à terme, demeure d'avoir un système d’inclusion à grosse échelle. J’ai un rêve : que les 2 millions de personnes atteintes d’un handicap mental exclues de l’emploi puissent s’intégrer dans cette société, même avec de petites contributions, plutôt que de créer des silos, des mondes séparés."

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