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La nouvelle géographie des chrétiens d’Orient

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Chrétiennes d'Irak.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 13/06/24
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Avec une histoire bimillénaire, les chrétiens d’Orient ont contribué à façonner le visage de l’Orient, de ses villes, de ses pays. Soumis aux guerres et aux massacres depuis le début du XXe siècle, souligne le géopoliticien Jean-Baptiste Noé, leur géographie a beaucoup évolué.

En Orient, les chrétiens ne sont ni un folklore ni une incongruité. Ils sont chez eux sur cette terre où ils sont nés et qu’ils habitent depuis plus de 2.000 ans, donc bien avant l’arrivée de l’islam, des Turcs et parfois des Arabes. S’ils sont aujourd'hui minoritaires, c’est parce qu’ils ont subi génocides et purifications ethniques qui les ont massacrés et contraints à fuir. Désormais peu nombreux en Orient, ils dessinent une nouvelle géographie, qui s’écrit en Occident, de Sarcelles à Détroit. 

Difficiles frontières

Comme souvent en géopolitique, les frontières relèvent plus des représentations que de la délimitation politique. Difficile ainsi de délimiter l’Orient, qui ne se limite pas au monde arabe, tous les chrétiens d’Orient n’étant pas eux-mêmes arabes. Cette frontière de l’Orient passe ainsi par l’Éthiopie, dont le baptême de l’eunuque éthiopien est raconté dans les Actes des Apôtres, par l’Égypte, dont les coptes sont issus des Égyptiens hellénisés, par l’Inde, où des populations furent évangélisées par saint Thomas et aujourd'hui par l’Ukraine et les Balkans, régions de l’Orient à l’époque romaine et longtemps sous domination des Turcs et des Mongols. Ce n’est qu’à partir des années 1920 que l’Orient a été réduit au Levant, avant de connaître une extension maximale avec les néo-conservateurs américains qui ont inventé le concept de "Grand Moyen-Orient" allant du Maroc à l’Afghanistan.

L’Orient est d’abord une frontière mentale : elle ne désigne pas tant des espaces fixes que des lieux où les populations vivent. Avec les migrations causées par les catastrophes du siècle écoulé, les chrétiens orientaux sont venus en Occident contribuant à y apporter une parcelle d’Orient.

Les nouvelles villes de l’Orient

Si Marseille fut longtemps surnommée "La porte de l’Orient" c’est en raison de son port et des bateaux qui partaient vers l’Asie et l’océan Indien. Avec les bouleversements politiques qui ont suivi la fin de l’Empire ottoman, ce sont les Levantins et les Orientaux qui sont venus à Marseille, soit comme porte d’entrée pour la France soit comme nouveau lieu d’habitation. Les survivants du génocide arménien ont ainsi été nombreux à débarquer à Marseille qui est encore aujourd'hui la principale ville des Arméniens en France avec une communauté estimée à 80.000 personnes dans les Bouches-du-Rhône et 50.000 à Marseille même. Un recensement à prendre avec prudence puisque la plupart des Arméniens ayant la citoyenneté française, ils ne sont pas recensés comme Arméniens par l’INSEE. Décines-Charpieu, dans la banlieue de Lyon, est l’autre grande ville des Arméniens de France, souvent surnommée la "Petite Arménie", comme Alfortville et Clamart en région parisienne. Là se trouvent les associations culturelles, les communautés religieuses, les églises introduisant l’Orient au cœur même de l’Occident.

Dans le Val-d’Oise (95), Sarcelles est probablement la plus orientale des villes françaises. Là réside une nombreuse communauté chaldéenne et copte dont l’église Saint-Thomas-Apôtre est la plus grande église chaldéenne d’Europe. Venue par vagues successives, une grande partie d’entre eux est arrivée depuis 2013 à la suite de la guerre en Irak et en Syrie et des attaques de l’État islamique. 

L’Orient aux États-Unis

Les États-Unis sont l’autre grand pays des chrétiens d’Orient. En 1982, Jean Paul II a institué l’éparchie Saint-Thomas-Apôtre de Détroit des Chaldéens qui a aujourd'hui juridiction sur plus de 100.000 personnes vivant à l’est des États-Unis. Pour la partie ouest du pays, les Chaldéens sont sous la juridiction de l’éparchie Saint-Pierre-Apôtre de San Diego des Chaldéens. Entre les Grands Lacs et la Californie, la géographie des chrétiens d’Orient aux États-Unis prend une tonalité très différente de celle du Levant. En 2015, toujours en Californie, mais cette fois à Los Angeles, le cardinal Sandri, alors préfet de la Congrégation des Églises orientales, élevait une église au rang de co-cathédrale de l’éparchie des Grecs melkites. 

Cette présence des chrétiens d’Orient aux États-Unis n’est pas sans poser plusieurs problèmes, les évêques restés en Orient reprochant à certains prêtres de partir se former aux États-Unis sans volonté réelle de retour en Orient, abandonnant ainsi les chrétiens restés fidèles à leur terre. Depuis le début des années 2020, plusieurs mesures ont été prises pour limiter une immigration ecclésiale qui pourrait apparaître "de confort" et sans véritable souci apostolique. Ce départ de l’Orient en Occident, si elle est une richesse et une nourriture spirituelle pour les chrétiens d’Occident, n’est pas sans poser des problèmes quant au maintien de la culture orientale propre, de la maîtrise de la langue liturgique (arménien ou syriaque) des rites liturgiques et des fêtes culturelles. Pour ces Orientaux en Occident, la problématique étant de s’intégrer dans leur nouvelle terre sans oublier celle de leurs ancêtres et de demeurer orientaux loin des souks de Mossoul et d’Alep.

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