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Mgr Sako : “Si les chrétiens d’Orient disparaissent, le christianisme n’aura plus de racines”

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Mgr Louis Sako, patriarche de l'Eglise chaldéenne en Irak.

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Cécile Séveirac - publié le 06/02/24
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Patriarche de l'Église chaldéenne, Mgr Louis Sako alerte sur le sort des chrétiens d’Irak. Lui-même en exil au Kurdistan irakien depuis presqu’un an, il partage auprès d’Aleteia ses inquiétudes. "Si les chrétiens d'Orient disparaissent, le christianisme n'aura plus de racines", alerte-t-il.

Presqu'un an après son exil, l'appel de Mgr Louis Sako à ne pas oublier les chrétiens d'Irak demeure le même. Le patriarche de l'Église chaldéenne est toujours en exil au Kurdistan après avoir dû quitter Bagdad. Le gouvernement irakien a révoqué le décret de reconnaissance légale de ses fonctions, lui faisant perdre du même coup son immunité mais aussi sa capacité à administrer les biens de l'Église chaldéenne. Résidant actuellement à Erbil (Kurdistan irakien), au séminaire patriarcal Saint-Pierre, Mgr Sako continue de suivre de près les affaires de son Église, même à distance. "J'essaie de conserver l'unité en maintenant le contact avec les prêtres et l'évêque auxiliaire de Bagdad, par mail ou par téléphone. Mais bien-sûr, la présence physique est très importante, et lorsqu'elle manque, c'est plus difficile pour les fidèles. J'ai un devoir de protection à leur égard", confie-t-il à Aleteia dans les locaux de l'Œuvre d'Orient, le 6 février.

Le patriarche Sako avait manifesté sa désapprobation quant à l'occupation de sièges parlementaires par des musulmans, alors même qu'ils étaient réservés selon la loi aux minorités. Il s'était également opposé à la mainmise de la Brigade de Babylone, milice revendiquée chrétienne mais affiliée aux gardiens de la Révolution islamique d'Iran qui cherche à écarter le patriarcat chaldéen pour endosser le rôle de représentant des chrétiens dans le pays.

Les chrétiens d'Irak en danger de disparition

À Erbil, Mgr Sako visite les séminaires et les communautés chrétiennes, et célèbre des messes. Il fustige sans détour la décision du gouvernement de révoquer ce décret. "Tout est complètement illégal. Le président a révoqué ce décret au mépris de la Constitution, et au mépris de toute une tradition datant de la dynastie des abbassides : il y a toujours eu un texte reconnaissant l'autorité du patriarche sur la communauté chrétienne, qui le fait administrateur des biens de l'Église", martèle-t-il avant de condamner fermement les tentatives du mouvement de Babylone de déstabiliser le patriarcat chaldéen. "Cette milice qui se dit chrétienne mais qui n'a rien en commun avec le christianisme exerce une influence sans précédent sur le gouvernement", dénonce le patriarche. "Ils ont placé des membres de leur mouvement dans l'entourage du président et du Premier ministre", poursuit le patriarche.

Or, la milice de Babylone, soutenue par Téhéran, fait tout sauf représenter les chrétiens. Au contraire, affirme Mgr Sako, elle exerce sur eux une oppression grandissante, et conduit notamment à des expropriations dans la plaine de Ninive où les chrétiens irakiens résident en majorité. La présence des chrétiens d'Irak est déjà considérablement amoindrie depuis le passage de Daesh. Seule une minorité d'entre eux, exsangue, tente de rester sur ces terres où leur existence est multimillénaire. Bien que le règne de l'État islamique soit révolu, le danger de disparition des chrétiens d'Irak est loin d'être un mauvais souvenir, affirme Mgr Sako. "Les craintes sont grandes pour l'avenir. Des familles par centaines ont quitté la plaine de Ninive afin de trouver un refuge stable et de pouvoir éduquer leurs enfants. Même si la paix en tant que telle est revenue, ces chrétiens-là ne reviennent pas." 500.000 chrétiens continuent de vivre en Irak, et un million d'entre eux sont partis depuis 2014, selon le patriarche. Ceux qui restent sont généralement très pauvres et vivent dans une insécurité permanente, notamment en raison des persécutions venant des musulmans.

Le soutien Occidental affaibli

Mgr Sako ne désarme pas : s'il explique faire preuve de patience, il refuse de céder et envisage déjà son retour à Bagdad. "J'ai saisi la justice pour démontrer l'illégalité de la révocation du décret", rappelle-t-il. Le patriarche attend pour le moment la fin du mandat présidentiel (d'une durée de quatre ans, ndlr), en 2026, et espère qu'un nouveau décret reconnaissant ses attributions pourra être pris.

Si les chrétiens d'Orient disparaissent, le christianisme n'aura plus de racines. Cette présence est symbolique et témoigne d'une vocation forte, celle de proposer un autre chemin que l'islam.

Si les chrétiens d'Orient s'appuyaient jusqu'ici sur l'Occident, ce dernier est confronté à l'oubli de ses racines, tance Mgr Sako. "L'Occident a perdu ses valeurs chrétiennes qui le poussaient à soutenir les chrétiens persécutés d'Orient. Si vous mettez Dieu derrière vous, que reste-t-il ? L'argent, l'égoïsme, le plaisir. Cet individualisme pousse à l'indifférence. Si les chrétiens d'Orient disparaissent, le christianisme n'aura plus de racines. Cette présence est symbolique et témoigne d'une vocation forte, celle de proposer un autre chemin que l'islam." À l'approche du Carême, Mgr Sako invite les chrétiens d'Occident "à ne pas oublier leurs frères d'Orient qui sont dans tourmente." Et de rappeler que le Carême est avant tout un "temps de conversion" :"Il faut se convertir à l'authenticité de la foi. C'est en se convertissant qu'on se sauvera les uns les autres."

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