"Charité bien ordonnée commence par soi-même" dit l'adage bien connu. Certains en ont fait un précepte de l'égoïsme, pour justifier cette ère qui a fait du "moi" et du plaisir les souverains de ce monde. Face à l'axiome, pourquoi ne pas plutôt prendre le parti de l'amour ? La charité, du latin caritas, issu lui-même du grec χάρις [kháris], c'est-à-dire "grâce" ou "don", désigne, selon la vertu théologale, l'amour de Dieu et de son prochain. Il n'est pas dévoyé, ce proverbe qui invite pour aimer Dieu à s'aimer soi, ou plutôt, à aimer Dieu en soi. C'est même une voie d'humilité, pour le chrétien qui sait voir en lui le don merveilleux que le Seigneur lui a fait de sa vie. Commencer "par soi-même", c'est suivre les conseils évangéliques qui sont chemins de sainteté, c'est chercher la sainteté pour qu'elle rayonne dans le monde, c'est être le témoin de cette foi qui nous a été donnée.
Arrêter de donner des conseils, souvent non sollicités, à tout va, à coups de "tu devrais", "si j'étais toi", "si tu", c'est ordonner la charité à ses propres failles pour se corriger soi-même avant de vouloir corriger l'autre. Arrêter de donner des conseils à tout va, c'est aussi considérer que l'exemplarité est le seul chemin qui vaille pour mener l'autre au bon, au vrai et au mieux. Chercher la charité pour soi-même, c'est donc chercher le bon Dieu avant toute chose, pour faire sienne la fameuse devise de sainte Jeanne d'Arc : "Dieu, premier servi" et se rappeler que "tout le reste [nous] sera donné par surcroît" (Mt 6, 33).