Ce n’est pas un fait nouveau. Le rapport de l’Aide à l’Église en détresse (AED) publié ce jeudi 22 juin sur la liberté religieuse dans le monde pointe une régression inquiétante de cette dernière dans les pays occidentaux. Non pas une persécution sanglante, mais une persécution "polie", selon les termes employés fréquemment par le pape François depuis le début de son pontificat. Dans une homélie du 12 avril 2016, le Pape dénonçait déjà des "persécutions en gants blancs, des persécutions culturelles, celles qui te confinent dans un recoin de la société, qui en viennent à te faire perdre ton travail si tu n’adhères pas aux lois qui vont contre Dieu Créateur".
Les bouleversements anthropologiques et idéologiques en Occident ont amené les sociétés à repenser leur rapport à la religion. Sur les questions relatives à l’identité de genre, à la famille ou encore à la bioéthique, il devient de plus en plus difficile d’affirmer ses croyances religieuses. Le rapport dénonce ainsi les "discours contraints" par de nouvelles normes imposées par des franges progressistes de la société. En cause également, la "cancel culture" (culture de l'effacement, ndlr.) imposé aux personnes qui, du fait de leur foi, refusent d’adhérer à la pensée dominante.
La liberté religieuse menacée par la "cancel culture"
Au-delà de la pression sociale, ce sont les menaces de sanctions juridiques qui inquiètent l’AED. La plupart des États de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) reconnaissent la liberté religieuse et la liberté de conscience comme des droits constitutionnels. Mais leur respect est directement remis en cause lorsque des croyances religieuses sont considérées en elles-mêmes par les législateurs ou les tribunaux comme des discours de haine. En 2020, une députée finlandaise a ainsi été poursuivie pénalement pour avoir cité des extraits de la Bible sur son compte Twitter, ce qui, selon le procureur finlandais, constituait un discours haineux envers les personnes homosexuelles. Au Royaume-Uni, en 2023, un professeur s’est vu frappé d’une interdiction d’enseigner à vie pour avoir mal genré l’un de ses élèves.
Les grands débats bioéthiques, en particulier sur l’avortement et l’euthanasie, suscitent aussi de vives inquiétudes, souligne l’AED. Tout particulièrement le personnel du secteur médical qui se trouve confronté à des dilemmes moraux les contraignent à choisir entre leur travail et leur conscience. En novembre 2021, l’Assemblée nationale a ainsi examiné une proposition de loi visant à "renforcer le droit à l’avortement". Le texte prévoyait notamment la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG pour les médecins, sage-femmes et infirmiers. Cette clause leur assurait jusque-là le droit de refuser de pratiquer un acte contraire qu’ils jugent contraire à leurs conscience. Cette disposition n’a finalement pas été retenue par les députés français. Mais la question est régulièrement remise sur la table, en particulier lors des débats sur la constitutionnalisation du droit à l’avortement.
Une hausse des agressions anti-religieuses
Enfin, les sociétés occidentales ne sont pas non plus épargnées par les manifestations violentes anti-religieuses. Les attaques contre les lieux de culte et les agressions de membres du clergé voire de fidèles ne sont pas rares. En 2021, le Service central du renseignement territorial a recensé 1.659 actes anti-religieux en France, dont 857 sont dirigés contre des biens où des personnes de confession chrétienne, derrière les juifs (589), et les musulmans (213). En 2022, ces chiffres sont relayés par un rapport parlementaire qui alerte sur une escalade de la violence dans les actes anti-religieux, en particulier les attaques anti-chrétiennes.
Les actes de profanations et de vandalisme sont nombreux, mais les atteintes aux personnes dans l’espace public sont quant à elles de plus en plus fréquentes. En 2021, des fidèles catholiques ont été insultés et agressés au cours d’une procession mariale dans les rues de Nanterre. Traités de "kouffars" (mécréants en arabe, ndlr), ils ont été menacés de mort par plusieurs individus de confession musulmane. Le 12 juin dernier, le père Joseph Eid est agressé par une bande de jeunes près de son église, proférant des injures anti-chrétiennes. Autant d’actes qui témoignent d’une régression de la liberté religieuse dans les pays occidentaux.