À l’automne dernier, le gouvernement d’Emmanuel Macron a annoncé la tenue d’une Convention citoyenne sur la fin de vie. Les travaux ont commencé en décembre, 180 Français tirés au sort étant appelés à se prononcer sur les grands sujets de la loi Claeys-Leonetti : l’aide active à mourir, la sédation profonde, ou encore les soins palliatifs. Il est important que ce dernier sujet soit abordé dans notre société actuelle, car il est le grand oublié des dernières législations malgré la loi Claeys-Leonetti qui souhaitait en renforcer l’accès.
Une grande hypocrisie politique
Pourtant, il est impératif de relever la contradiction qu’il y a à promouvoir dans le même temps euthanasie et soins palliatifs. La première nous est vendue comme la seule et unique manière de "mourir dans la dignité", comme si la maladie pouvait enlever sa dignité à un être humain et qu’il était possible de la lui rendre en lui ôtant la vie avec son consentement plus ou moins éclairé. Le second, les soins palliatifs, est brandi à chaque fois comme une contrepartie opportune bien qu’il ne s’agisse souvent que d’un effet de communication.
De fait, et malgré toutes les précédentes législations, 26 départements ne disposent toujours pas, à ce jour, de structure adaptée au développement des soins palliatifs. Et d’une manière générale, seul un tiers des patients qui en auraient besoin ne disposent pas de structure adaptée. Il y a donc une grande hypocrisie politique dans la manière avec laquelle sont traités les soins palliatifs en France, alors que ces derniers permettent véritablement de traiter un mourant avec dignité jusqu’à ses derniers jours. Par ailleurs, certains voient l’euthanasie comme un gain financier pour l’Etat et les assureurs. Mais doit-on sacrifier la vie de nos contemporains à des fins économiques ?
L’euthanasie et les soins palliatifs ne sont pas deux dispositions complémentaires, mais sont la traduction d’une vision opposée de la civilisation.
Mais au-delà de l’hypocrisie, il est nécessaire d’affirmer à quel point l’euthanasie et les soins palliatifs ne sont pas deux dispositions complémentaires, mais sont la traduction d’une vision opposée de la civilisation : la première présuppose qu’il ne doit exister aucun cadre moral commun entre les citoyens, et que l’humain doit s’affranchir de la nature pour décider de sa vie et de sa mort. La seconde prend la nature comme socle, établit que l’homme s’épanouit dans une communauté de destins, en déduit les devoirs de solidarités que nous devons entretenir entre membres d’une même nation y compris le devoir d’apporter des soins, même lorsque le malade s’approche inéluctablement de la mort.
Les soins palliatifs, un gadget ?
De fait, ces deux pratiques sont non seulement en opposition, mais elles s’annihilent. Si l’euthanasie par son aspect définitif rend obsolète le déploiement de soins palliatifs, les soins palliatifs eux-mêmes rendent bien souvent obsolète la volonté de recourir à l’euthanasie lorsque le malade est la victime d’une maladie incurable. Ainsi, les professionnels de santé savent qu’une grande majorité de malades cessent de demander la mort lorsque les hôpitaux mettent en place un accompagnement adapté. Dans ce contexte, il est préoccupant de voir que les politiques de soins palliatifs ne font figure que de "gadget" dans les consultations et les propositions de loi promouvant l’euthanasie et le suicide assisté auxquelles elles sont intégrées.
Ainsi, l’on se souvient que les résultats partiels de la Convention citoyenne sur la fin de vie n’ont pas fait l’objet d’une communication particulière lorsque ces derniers concernaient les soins palliatifs, alors que les votes qui concernaient la question de l’euthanasie étaient montés en épingle par de nombreux médias. Ainsi ont-ils retenu que sur les quelque 184 citoyens réunis pour débattre de ce sujet, 75% étaient favorables à une évolution de la loi pour une "aide active à mourir". Dans le même temps, treize organisations représentant 800.000 soignants signaient un texte de vingt pages dans le Figaro pour rejeter la pratique de l’euthanasie considérée comme "incompatible avec le métier du soin". Peu en ont parlé…
A contrario, plus de 83% des votants de la Convention considéraient que le cadre d’accompagnement de la fin de vie proposé — c’est-à-dire les "soins palliatifs" — ne "répondait pas aux situations rencontrées". Mais, quels que soient les résultats de cette Convention, l’on sait dès maintenant que le gouvernement ne les prendra pas en compte s’ils ne vont pas dans son sens.
La seule alternative éthique
Il y a donc une volonté nette de mettre en avant la légalisation de l’euthanasie en brandissant les résultats et sondages qui arrangent le gouvernement, tout en minimisant le sujet des soins palliatifs qui restent pourtant la seule et unique alternative éthiquement valable à l’euthanasie. Il faut dénoncer la régression que constituerait cette légalisation pour notre société qui se targue d’être en avance sur les combats sociaux, et de prouver au monde que le véritable progrès consiste à prendre soin de l’être humain jusqu’au dernier instant de sa vie. Au-delà d’un seul enjeu de santé publique, c’est notre manière d’envisager la fraternité concrète, dont les soins palliatifs sont probablement une des manifestations les plus accomplies, qui est en cause ici.
Pratique :