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[HOMÉLIE] Le réalisme chrétien selon saint Joseph

L'anxiété de Saint Joseph, aquarelle de James Tissot. Brooklyn Museum

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Mickaël Le Nezet - publié le 17/12/22
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Curé de la paroisse de Rochefort, le père Mickaël Le Nezet commente l’Évangile du 4e dimanche de l’Avent. Saint Joseph nous apprend le réalisme chrétien : accueillir la réalité telle qu’elle est, rester tranquille dans la tempête, laisser à Dieu le gouvernail du bateau.

Marie et Joseph étaient en attente de la célébration festive de leurs noces, au début de leur vie commune, comme des époux bénis par le Seigneur. Mais avant que Joseph et Marie ne vivent ensemble, voilà que Marie se trouve enceinte. On peut imaginer que cette annonce faite alors à Joseph est comme une plongée dans la nuit et une nuit profonde. Joseph est perdu face à cette annonce d’une grossesse qui ne vient pas de lui et qui le plonge sans doute dans un grand désarroi. Elle a dû être longue cette nuit où il a cherché à comprendre, à trouver une solution pour ne pas blesser Marie. Il a dû s’en passer bien des choses dans sa tête et dans son cœur à imaginer ce qui serait le mieux pour elle, pour l’enfant et pour lui. 

Il y a des nuits où nous cherchons sans trouver, avec le sentiment d’être bien seul dans ces moments si éprouvants. Joseph n’est-il pas ici la figure de tout homme confronté à ces évènements imprévus de la vie ? Je pense particulièrement à tous ceux dont la vie est bouleversée par l’annonce de la maladie d’un proche, ou de soi-même, la perte d’un travail ou tel échec familial, professionnel. Nous sommes tous confrontés d’une manière ou d’une autre à ces situations imprévues qui nous déstabilisent, nous désorientent et nous plongent dans la nuit de l’incertitude et du doute, peut-être même de l’angoisse. 

Dans les tempêtes de la vie

En ce 4e dimanche de l’Avent, il nous est donné de contempler cette belle figure de saint Joseph. Et ce qu’on peut déjà se dire, c’est que l’histoire de Joseph qui est aussi celle de Marie, n’a rien d’un conte de fée ni d’une légende dorée. Toute vie est marquée par des peurs, des incompréhensions, des doutes, des souffrances, des angoisses, des tempêtes. Le pape François écrit dans sa lettre apostolique Patris Corde : " Il faut laisser de côté la colère et la déception, et faire place, sans aucune résignation mondaine mais avec une force pleine d’espérance, à ce que nous n’avons pas choisi et qui pourtant existe". C’est le réalisme chrétien, écrit encore le Pape. Saint Joseph accueille cette réalité, la questionne jusqu’à même envisager une décision mais sans précipitation.

Il l’accueille, non pas en la subissant mais en s’en remettant à la volonté du Seigneur. Le Pape écrit : "Joseph nous enseigne ainsi qu’avoir foi en Dieu comprend également le fait de croire qu’il peut agir à travers nos peurs, nos fragilités, notre faiblesse". Celles-là ne sont pas un obstacle au projet de Dieu pourvu que nous sachions les remettre au Seigneur. Saint Joseph nous enseigne que "dans les tempêtes de la vie, nous ne devons pas craindre de laisser à Dieu le gouvernail de notre bateau. Parfois nous voudrions tout contrôler, mais lui regarde toujours plus loin". Saint Joseph avait formé son projet mais il accepte pourtant d’entrer dans un projet plus grand, celui de Dieu lui-même pour le salut de tout le peuple. Il accepte de se laisser bousculer, de se laisser déplacer pour entrer, comme l’écrit Saint Paul, dans l’obéissance de la foi. Je repense à cette prière de saint Charles de Foucauld qui exprime si bien cette attitude du cœur de Joseph : "Je m'abandonne à toi, fais de moi ce qu'il te plaira. Quoi que tu fasses de moi, je te remercie. Je suis prêt à tout, j'accepte tout. Pourvu que ta volonté se fasse en moi."

Un chemin qui accueille

Il y a sans doute dans nos vies bien des choses que nous ne comprenons pas, ou même que nous n’acceptons pas. Et souvent ceci est le lieu d’un combat, d’une colère, d’une amertume qui, à force d’être ressassés nous enferment, nous durcissent, nous isolent. Le pape François écrit encore : "La vie spirituelle que Joseph nous montre n’est pas un chemin qui explique, mais un chemin qui accueille". C’est un chemin qui accueille ce qui n’est pas compréhensible dans le moment présent mais avec la certitude que Dieu n’en n’est pas absent. La bonne nouvelle de l’Évangile est de nous montrer comment Dieu trouve toujours un moyen pour réaliser son plan de salut. "Dieu fait germer des fleurs dans les rochers". C’est ainsi une attitude pleine de confiance à laquelle nous invite saint Joseph, espérant au-delà de toute espérance. Résonne ainsi cette belle parole d’Isaïe : "Par la conversion et le calme, vous serez sauvés ; dans la tranquillité, dans la confiance sera votre force" (Is 30, 15).

Mais accueillir la réalité qui nous arrive et nous abandonner au projet de Dieu dans la confiance ne signifie pas rester inerte, inactif en attendant que ça passe ou des jours meilleurs. Nous verrons Joseph pleinement investi dans sa tâche et sa mission de père adoptif et d’époux aimant. "Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse" (Mt 1, 24). Et plus tard il continuera d’assumer cette réalité difficile au moment de la naissance comme lors de la fuite en Égypte. Le Pape écrit : "Devant une difficulté, on peut s’arrêter et abandonner la partie, ou bien on peut se donner de la peine. Ce sont parfois les difficultés qui tirent de nous des ressources que nous ne pensons même pas avoir". Rendons-grâce à Dieu pour cette belle figure de saint Joseph. Qu’elle soit source de réconfort et d’encouragement dans notre marche vers Noël et dans notre chemin de foi. 

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