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Sobriété, pénuries, manques… et au-delà, où allons-nous ?

GAZ
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Bertrand Badré - publié le 03/11/22
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Avons-nous pris la mesure des transformations en profondeur exigées par la fin de l’abondance, les défis du développement durable et la lutte contre le changement climatique ? Le financier Bertrand Badré retient la leçon du pape François : il faut retrouver l’humanité derrière le marché.

Le Président de la République Emmanuel Macron l’a annoncé : nous allons entrer dans la période de "la fin de l’abondance". Soyons honnêtes : nous ne l’avons pas tout de suite pris au sérieux. Pourtant, depuis, les confirmations se succèdent. "Pénurie" d’essence avec les grèves dans les raffineries. Plans de "sobriété" à mettre en place dans les entreprises. Plan de transition écologique décrivant les efforts à faire à tous les niveaux. La liste est longue de ces corrections de trajectoire à la marge qui, mises bout à bout, semblent finalement nous indiquer une nouvelle direction.

Nous prenons conscience que le mouvement est lancé. Que la marche triomphale vers un nouveau monde n’est pas si simple : il y aura des perdants et des gagnants.

Dans un contexte social éruptif, l’anxiété est là. Nous prenons conscience que le mouvement est lancé. Que la marche triomphale vers un nouveau monde n’est pas si simple : il y aura des perdants et des gagnants. Nous prenons conscience que si l’objectif final d’une société plus durable, plus inclusive, plus résiliente est mieux compris et, sans être consensuel, mieux partagé, les moyens d’y arriver sont loin d’être unanimement approuvés.

Vers une transformation en profondeur

Il est loin le temps des "trente Glorieuses", ce temps ou une croissance du PNB inférieure à 5% faisait s’interroger. Nous en sommes même venus à débattre de la décroissance. Les débats sont vifs. Pénuries et tensions sont-elles une punition, un accident ou un rappel à l’ordre ? Nous avons acté il y a sept ans, en 2015, que nous nous engagions sur la voie des objectifs du développement durable et de la lutte contre le changement climatique. Mais nous n’avions alors pas réellement pris la mesure de ce que cela signifiait. Pas un ajustement à la marge. Mais une transformation en profondeur dont nous semblons seulement prendre la mesure véritable maintenant.

Le Covid avait été une alerte. Il avait fallu mettre l’économie mondiale à l’arrêt pour voir nos émissions de gaz à effet de serre baisser de quelques pourcents. Nous avons réalisé que nous ne produisions plus ni masque ni aspirine en France. Les chaînes d’approvisionnement ont été perturbées. La machine bien huilée connaissait des ratés. L’accès aux services essentiels devenait plus délicat. Et après tout : où était l’essentiel ? Rappelez-vous le débat sur l’accès aux livres et ses travers absurdes.

Adapter le système

Sans en tirer de conséquences véritables, nous avons réalisé aussi que ces questions ne se posaient pas de la même manière partout en France ni partout sur la planète. Pénurie et manques étaient dès avant ces crises le quotidien de beaucoup. Le débat se pose de manière crue et difficile : faut-il imposer des restrictions à ceux qui n’ont pas joui des facilités de la période qui s’achève ? S’agissant du climat, ces débats agitent toutes les COP depuis longtemps et sont au cœur des discussions de Charm El Cheikh (COP27) ce mois-ci. Qui va payer ? Payer les dommages dus au passé et aux émissions des pays les plus avancés ? Payer le coût de la transition et de l’adaptation pour les plus pauvres, qui sont aussi les premières victimes ? 

Au fond nous le sentons confusément : c’est bien d’une adaptation de notre système qu’il s’agit. Pas seulement le dessin d’une nouvelle tranche environnementale ou d’une tranche sociale rénovée. Le Saint Père nous y a invité dans Laudato si’ puis dans Fratelli tutti. Je me souviens d’un échange en petit groupe avec lui il y a huit ans. Il indiquait en partageant la grappa que celle-ci était le résultat d’une distillation extrême, de l’alcool pur, comme notre système de valeur où prévaut la seule valeur de marché à l’exclusion de tout autre, et qu’il était temps de faire la démarche inverse. La grappa est le vin distillé comme le marché est l’humanité distillée. François nous appelait tout simplement à retrouver le vin derrière la grappa et l’humanité derrière le marché. 

Une boussole

C’est une démarche ambitieuse et délicate. Elle passe par des abandons et des renoncements. Ils seront plus ou moins douloureux mais, dans un esprit de fraternité, ils doivent être vécus ensemble et en équité. Nous le découvrons plus brutalement que nous l’anticipons. Mais quel beau défi ! Le chemin est escarpé. Le brouillard nous fait craindre les précipices. Mais nous avons en main une boussole. Et quelle boussole ! 

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