Entre 2000 et 2020, les Français ont en moyenne gagné deux ans d’espérance de vie : un petit garçon qui naît aujourd’hui à une chance certaine d’atteindre les 79 ans et une petite fille, 85 ans ! Magnifique progression qui permet d’anticiper un chiffre plus inquiétant : en 1990, les « plus de 65 ans » représentaient environ 20% de la population de notre pays, en 2070 ils seront plus de 40%... Une des conséquences immédiates de cet accroissement est l’explosion du secteur de l’aide à la personne. Auquel il faut ajouter les 4 millions de personnes apportant une aide régulière à un proche âgé. Tous, nous sommes, avons été ou serons confrontés à cette question du vieillissement de ceux qui nous entourent et au nôtre aussi très probablement !
Des vieillards abandonnés
Il y a presque deux ans, au nom de la sauvegarde des plus fragiles, et donc des plus âgés, tout a été mis sous cloche. Pour sauver la vie de milliers de personnes, on les a cloîtrés de force dans des Ehpads ou des maisons de retraite dont on a relevé depuis combien beaucoup laissaient à désirer. Comme à chaque fois, nous découvrons avec stupeur, plus ou moins feinte selon le degré de responsabilité, que derrière les façades chatoyantes d’une communication qui séduit, la réalité peut être brutale et crue. Sous prétexte d’économies, on maltraite des salariés souvent mal payés et déconsidérés en ne leur donnant pas les moyens de traiter les pensionnaires qui parfois payent des prix exorbitants.
Le temps du premier confinement, on a abandonné moralement une population de vieillards en laissant les moins chanceux mourir seuls, jetés dans des sacs puis dans des cercueils.
Le temps du premier confinement, sous prétexte de la protéger du virus, on a abandonné moralement une population de vieillards en laissant les moins chanceux mourir seuls, jetés dans des sacs puis dans des cercueils, mis en terre à la va-vite... Cela a sans doute créé un traumatisme profond dont bien des familles ont aujourd’hui du mal à se remettre. On pourra plaider l’urgence, l’effet de surprise, l’impréparation générale, et on aura raison. À condition qu’on en tire pour demain des conséquences. Comme par exemple de savoir s’il est juste de se contenter de laisser prospérer des groupes financiers qui ne cherchent qu’à augmenter leurs marges sur le business du grand âge. Comment faire comprendre à des générations de jeunes qu’on a stoppé la vie d’un pays pendant aussi longtemps si leurs grands-parents au bénéfice desquels cette décision fut prise, finissent leurs vieux jours dans des endroits sinistres, bousculés et considérés d’abord comme des numéros ?
L’humanité vieillit
À cela s’ajoute un autre paramètre, mondial celui-ci, qui met en déroute les thèses malthusiennes en cours depuis des décennies. Non, nous ne risquons pas une surpopulation dans les siècles à venir. Dans le monde entier des articles paraissent pour décrire une situation qui surprend beaucoup de prophètes de malheur : la population mondiale vieillit et continuera de vieillir. Sur tous les continents et dans toutes les cultures, la tendance est avérée. La démographie étant une science assez fiable, il est prévu que la population mondiale passe d’ici 2050 de 7,7 à 9,7 milliards et stagne à la fin du siècle à 11 milliards de personnes. L’humanité vieillit. On peut commenter cet état de toutes les manières mais le constat est là. Ne pas s’en désoler ni s’en réjouir mais accueillir ce fait comme la promesse d’un changement profond.
Signe d’une forme de bienveillance providentielle qui donne à nos générations, adultes dès 18 ans et qui demeurent si longtemps adolescentes dans leurs caprices et leurs fantasmes, la possibilité de bénéficier de la présence d’anciens qui, plus âgés qu’auparavant, tiennent ce rôle de sages dans une société qui l’est de moins en moins...