Les parents sont-ils équipés pour parler de l’amour « en vérité » ? Vers l’entrée au collège, ils sont parfois gênés d’aborder le sujet de la sexualité avec leur enfant, et s’en tirent souvent avec un discours dogmatique un peu plaqué. Mais attention, « un adolescent se dit : “Au secours” quand ses parents arrivent en mode : “Il faut que je te parle” ! », affirme Thérèse Hargot, sexologue, philosophe et auteur de Une jeunesse sexuellement libérée (ou presque). Comment alors aborder cette question avec justesse ? En démarrant très tôt, rétorque la spécialiste : « La sexualité se construit lors de la petite enfance, je dirais même dès le sein de la mère, à la manière dont les parents envisagent l’enfant, changent les couches, traitent le corps, favorisent la pudeur. »
Du collège au lycée, un discours différent
Le rôle des parents est donc beaucoup plus large que celui d’un éducateur intervenant en milieu scolaire par exemple, car ils délivrent des informations au fil du temps, notamment via le langage non verbal. Le climat dans lequel l’enfant va être élevé, si les parents s’aiment, s’ils vivent eux-mêmes une sexualité conforme aux messages qu’ils martèlent, vont façonner sa vision. « La manière dont les parents vivent et se disent leur amour vaut mieux que tous les discours », résume Thérèse Hargot, « et un parent à l’aise ne se pose pas la question : comment parler de sexualité, ou quand ». Cette éducation, non verbale, au long cours ne doit pas évacuer tout discours plus direct sur le sujet. Mais là aussi, les parents devront faire preuve de pédagogie et de patience. Aujourd’hui, pour passer d’un discours ambiant qui banalise les expériences à une sexualité magnifiée par la théologie du corps, il s’agit d’avancer progressivement.
Enfin, les parents doivent prendre garde d’éviter deux écueils. Le premier est d’évoquer la sexualité uniquement sous forme d’interdits. Le second, de parler au contraire uniquement beauté du corps ou émerveillement du bébé à naître.
« Chaque chose en son temps », insiste Thérèse Hargot. Au collège, le pré-adolescent découvre un corps auquel il s’adapte d’autant plus difficilement qu’il change. S’interrogeant sur son identité, il peut alors écouter les propos sur l’éducation affective comme une discipline intellectuelle. Au lycée, en revanche, un discours spirituel aura beaucoup plus de prise sur un terreau affectif déjà préparé, « une fois qu’il aura compris qui il est, qu’il aura pris le temps de l’anthropologie, du discernement. Il faut de la maturité affective pour être capable d’intégrer la joie de la chasteté avant le mariage ».
Les écueils à éviter
Enfin, les parents doivent prendre garde d’éviter deux écueils. Le premier est d’évoquer la sexualité uniquement sous forme d’interdits. Le second, de parler au contraire uniquement beauté du corps ou émerveillement du bébé à naître. Dans le premier cas, l’adulte ne rejoint pas les préoccupations présentes de l’enfant qui découvre son corps, le sentiment amoureux. Dans le second, « il passe sous silence que l’enfant n’est pas le but de la sexualité, mais seulement son fruit ».
La sexologue propose au contraire de s’appuyer sur les émotions de l’enfant, sur le plaisir qu’il peut éprouver, pour lui montrer qu’un jour cette union lui procurera la joie qu’il espère. En veillant, bien entendu, à ce que le plaisir sexuel ne soit pas le but de l’union, mais une expression de l’amour qui l’accompagne.
Olivia de Fournas