C’est une ville de béton qui s’élève à 30 kilomètres de Paris. Fleury-Mérogis est le plus grand centre pénitentiaire d’Europe avec 4.000 détenus. Derrière ses grilles de fer et ses murs épais, sous la surveillance constante des caméras, les aumôniers des prisons apportent à ceux qui leur demandent un souffle d’espérance, comme un phare dans la nuit balisant leur chemin intérieur. Elodie Buzuel, dans son documentaire La Visite, les a suivis dans leurs visites quotidiennes aux prisonniers. Parmi eux, Gérard Cuvelier, diacre permanent du diocèse d’Evry. Voilà déjà 7 ans qu'il arpente les couloirs et les cellules de la maison d’arrêt. Marié, père de trois “grands” enfants et grand-père de huit petits-enfants, cet ancien enseignant-chercheur, docteur en Physico-Chimie à la brillante carrière, est désormais retraité. Ordonné diacre “il y a 31 ans”, quand on lui demande son âge, il sourit : “je suis né en 1956… Vous ferez le calcul !”. Gérard a la voix douce : d’elle transparaît un tempérament discret, réservé, un caractère qui s'accorde à sa mission, lui qui reçoit tant de confidences dans les cellules des prisons.
Sa mission, elle, consiste à rendre visite aux détenus, dans leur cellule, deux jours par semaine et à coordonner les activités collectives de l'aumônerie, le weekend, qu’il s’agisse de la messe ou de la célébration de la parole, le dimanche, ou du groupe biblique, le samedi après-midi. À “Fleury”, les gens sont de passage. Gérard, d’ailleurs, ne parle pas de “prisonniers”, ni de “détenus”, mais il évoque ces “personnes” à qui il rend visite, comme pour détacher les hommes des actions qui les ont menés ici. Dans ce grand bâtiment, celui des hommes, “les gens ont de longues peines, explique-t-il, 18 mois minimum, parfois beaucoup plus. Ils partent ensuite en centre de détention, parce-que Fleury est maison d’arrêt, on n’est pas censé y rester”. Pourtant, certains y patientent plusieurs mois ou quelques années, en attendant qu’une place se libère en centre de détention, là où se purgent les peines.
“J’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !”
Si Gérard passe le plus clair de son temps à rendre visite aux hommes, il se rend à l’occasion à la maison d’arrêt des femmes, pour des baptêmes notamment. “Dans la nursery, cinq à sept bébés sont gardés en permanence, de leur naissance à leurs 18 mois”. Leurs mères arrivent enceintes, partent accoucher en maternité et reviennent, avec leur enfant. “Hormis les gardiens, seuls les aumôniers ont la clef des cellules, insiste Gérard, et nous sommes les seuls à y rentrer. C’est dans leur cellule qu’on rencontre les gens”. Discrets et attentifs, Gérard et les autres aumôniers, que suit le documentaire d’Elodie Buzuel, font avant tout “un travail d’écoute : parfois, on ne fait que ça, on écoute, sans parler”. Ces rencontres, alors, offrent un temps privilégié où les captifs peuvent “réfléchir au sens de ce qu’ils vivent : on ne vient pas les convertir, même si bien sûr certains font un chemin de ce côté-là”. Parfois - pas toujours - et à la demande du détenu, la rencontre se termine par une prière. Certains finissent même par demander le baptême ou la confirmation.
"Le Christ a passé sa vie terrestre à rencontrer des gens. C’est ce que nous faisons en prison, Lui avec nous ou nous avec Lui."
“La question de Dieu n’est pas toujours explicite, mais elle fait son chemin, estime Gérard. On est d’abord là pour considérer que ceux que l’on rencontre sont à l’image de Dieu : on ne juge pas, on ne limite pas aux actes. Quoiqu’une personne ait fait, elle est à Son image”. Dans les prisons, les aumôniers assurent la présence discrète et lumineuse de Dieu au milieu des hommes pour annoncer “le Christ qui libère, qui libère des fautes”. La mission, dès lors, devient le lieu d’une rencontre : “Le Christ a passé sa vie terrestre à rencontrer des gens, souligne le diacre. C’est ce que nous faisons en prison, Lui avec nous ou nous avec Lui, comme Il nous l’a appris dans l’évangile de saint Matthieu : “j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” (Mt 25, 36)
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