Il y a des comédies légères qu’on va voir sans trop savoir pourquoi. Bande annonce sans lourdeurs racoleuses, humeur estivale qui rend attirant un film tourné sur l’île d’Oléron, à Noirmoutiers et à Arcachon, ou simple envie de passer un bout de soirée avec sa femme ou son mari hors de chez soi ? La qualité de l’œuvre en devient secondaire et on renonce par avance à découvrir un chef-d’œuvre du septième art. L’espoir se limite à voir ce qu’on appelle un "honnête divertissement", formule dont l’adjectif dit bien qu’on est à la frontière entre les qualités artistiques et les qualités humaines. Est honnête, donc, le film qui offre au spectateur ce qu’il est en droit d’attendre : deux heures qui lui font oublier le dernier mail exaspérant d’un collègue pénible. Quand la présentation du film fait espérer une comédie familiale tout public, les tromperies sur la marchandise s’appellent vulgarités gratuites, militantisme agressif, blagues éculées, scènes longuement étirées et finalement ennui. Comédie familiale honnête, en revanche, celle qui parvient à rendre les personnages suffisamment sympathiques pour qu’on préfère les voir heureux plutôt que dévorés par un requin, qui nous mène sans bâillement vers un dénouement pourtant vite deviné et qui vous voit sortir un peu plus souriant que vous n’êtes entré.
Aux mères qui ne baissent pas les bras
Pour qui admet ces critères du film honnête — et qui accepte que les familles de comédie soient désormais volontiers recomposées —, La Famille Hennedricks n’a rien d’une arnaque. Il est fondé sur un enjeu simple presque aussi ancien que la naissance de la comédie : la famille va-t-elle rester unie ou son équilibre fragile va-t-il voler en éclats face à l’adversité ? De manière assez saine (gentillette, diront d’autres), les obstacles à surmonter sont, pêle-mêle, les téléphones portables, le rêve d’une réussite individuelle tape-à-l’oeil, les blessures narcissiques, la lassitude d’être ensemble, les rancœurs accumulées... Ce qui unit, à l’inverse, est la musique : le père ancien guitariste (Dany Boon), le fils aîné qui retrouve la flûte de pan de sa mère et le plus jeune doué pour les percussions peuvent y trouver un terrain de jeu commun. Unit, plus encore, une mère qui préfère une famille recomposée à une famille décomposée.
Réalisatrice et comédienne dans le rôle principal, Laurence Arné rend en effet un hommage de comédie aux mères qui ne baissent pas les bras quand tout prend l’eau. Par caprice impulsif ou par réaction de survie, son personnage exige des vacances familiales, tandis que son mari, plus philosophe, plus aveugle ou plus lâche, prêche qu’il est urgent d’attendre et s’imagine que la crise passera un jour. Situations particulières de l’intrigue mises à part, le film suggère à tous les maris quelques questions qui ne peuvent leur faire de mal : que suis-je prêt à interrompre sans délai pour répondre à un appel à l’aide déconcertant de ma femme ? Comment mon talent personnel peut-il être mis au service de l’harmonie (le mot s’impose pour la musique) familiale, plutôt que d’être développé pour moi seul ? Quelle phrase ai-je prononcé ou n’ai-je pas prononcé la dernière fois que ma femme était au bord de la crise de nerf ? Comment faire pour qu’aucun membre de la famille ne soit laissé pour compte, dans un projet commun qui suppose un minimum de qualités artistiques (on pense aux Choristes où celui qui ne connaît pas de chanson est solennellement nommé pupitre, ce qui, malgré tout, est mieux que pot de fleur) ?
Un regard lucide
Il va de soi que toutes ces questions sont d’une simplicité désarmante et ne révolutionnent ni le conseil conjugal ni le cinéma. Les voir poser avec légèreté par l’intermédiaire d’un couple de fiction n’est toutefois pas inutile. Laurence Arné, paraît-il, est la compagne de Dany Boon à la ville comme dans son film. On suppose que le scénario n’est pas entièrement étranger à ce qu’ils vivent. Nul besoin, toutefois, de transposer soi-même sa vie sur un écran de cinéma pour essayer de porter un regard lucide sur sa relation conjugale. Salutaire toute l’année, l’exercice peut être une agréable activité conjugale d’été.
Pratique
En salles depuis le 26 juin.