Le premier tour des élections législatives le 30 juin a donné la liste Rassemblement national (RN) en tête avec 29,5% des voix suivie du Nouveau Front Populaire (NFP) à 27,99%, Ensemble à un peu plus de 20% et Les Républicains (LR) à 6,57%. Plus de 200 candidats se sont d’ores et déjà désistés afin d'empêcher une triangulaire et contre ainsi le RN avec un traditionnel "front républicain". Mais que vont voter les catholiques ? Comment expliquer leurs doutes et leurs inquiétudes ? "La perte progressive de la dimension sociale à droite, couplée à la mise au pas du communisme permet à la gauche mitterrandienne de glaner un bon nombre de suffrages catholiques", explique à Aleteia Nicolas de Bremond d’Ars, prêtre, sociologue et chercheur associe au CéSor (EHESS) et auteur du livre Catholiques, rouvrez la fenêtre : mémoires de prêtres qui ont vécu Vatican II. "Le problème actuel, c’est qu’Emmanuel Macron a dynamité ces deux composantes. LR et le PS ont quasi disparu de la scène politique, laissant la place aux extrêmes. Comme il n’a pas d’ancrage profond dans le pays, les catholiques se sont sentis libres...".
Aleteia : Des catholiques qui votent plus volontiers aux extrêmes, comme l'ensemble des Français, est-ce nouveau ?
Nicolas de Bremond d’Ars : Oui, d’une certaine façon c’est nouveau. Le catholicisme en France avait plutôt un tropisme centriste, qui lui venait de son histoire. D’abord, la loi de 1905 qui oblige à se rassembler derrière les évêques, puis la condamnation de l’Action française (1926) qui exclut l’extrême droite. Après la guerre, la condamnation des prêtres-ouvriers pose une limite à l’ouverture à gauche, sans compter, bien sûr, la condamnation constante de l’athéisme communiste. Charles de Gaulle représente alors la figure mythique d’un sauveur laïc. Ce n’est pas un monarque, il est républicain, mais la présidentialisation accentuée le rend compatible. Tant que l’héritage gaulliste perdure, l’électorat catholique peut suivre. C’est ce qu’on a bien vu lors de la présidentielle de 2002. Malgré tout, la perte progressive de la dimension sociale à droite, couplée à la mise au pas du communisme permet à la gauche mitterrandienne de glaner un bon nombre de suffrages catholiques. Le problème actuel, c’est qu’Emmanuel Macron a dynamité ces deux composantes. LR et le PS ont quasi disparu de la scène politique, laissant la place aux extrêmes. Comme il n’a pas d’ancrage profond dans le pays, les catholiques se sont sentis libres...
Les catholiques soucieux d’obéissance au clergé vont privilégier la discipline
Le second tour des législatives s'annonce délicat pour une partie des catholiques. Beaucoup devront choisir entre le RN et le NFP alors qu’historiquement, ces dernières années, les pratiquants se sont toujours méfiés des partis dits radicaux. Est-ce nouveau comme configuration, sur le plan historique au moins ?
Pour la première fois depuis très longtemps, le centrisme ne marche plus. Et comme nous le montrent toutes les analyses un peu sérieuses, les Français prennent conscience que l’alternance gauche (social-démocrate) – droite n’a aucun projet crédible pour faire face à l’épuisement définitif du modèle de progrès lancé au cours des Trente Glorieuses. Or, c’est cela qui préoccupe les citoyens. Est-ce par défaut de rigueur (explication droitière), ou par défaut de soutien social (explication socialiste) ? Il faut choisir. Et là, on va puiser dans le capital interne pour expliquer la voie à suivre. Je veux dire par là que, puisque les explications n’existent pas dans le domaine citoyen, on va chercher dans la vision de la vie chrétienne.
Sur quels critères ce choix pourrait-il s'opérer ?
Cela ne portera pas sur ce qui est si malheureusement médiatisé, à savoir le "respect de la vie", qu’aucun extrême ne va respecter. Ça portera sur le type de vie catholique que l’on préfère. Soit une vie "démocratique", soit une vie que je nomme d’obéissance : les catholiques soucieux d’ouverture, peu à peu marginalisés dans l’Église d’ailleurs, vont choisir contre le RN ; les catholiques soucieux d’obéissance au clergé vont privilégier la discipline. Ça tombe bien, car le jeune clergé abonde dans ce sens. On votera RN. Restent ceux qui refusent les extrêmes, à la fois par fidélité à ce qui a été et par souci de l’Évangile ; ils voteront au centre.
Les catholiques sont-ils sensibles à l’argument du barrage républicain ?
Ils feront comme leurs concitoyens : que penser de ce "barrage", qui déclare à demi-mot que plus d’un tiers des Français ne savent pas voter ?
Les consignes de vote ont-elles un sens pour les catholiques ? Ont-ils l’habitude de les respecter ?
Les évêques ne sachant pas où le vent va tourner se sont bien gardés de donner une consigne ! Sans doute sentent-ils qu’ils sont en train de perdre leurs troupes ! C’est du moins ce que je pense.
La crainte ou la peur d'un contexte institutionnel incertain au lendemain du second tour est-il de nature à modifier le vote dit "catholique" ?
À mon avis non, puisque la majorité relative et l’usage du 49-3 ont plongé les Français dans l’incertitude et un certain chaos depuis déjà longtemps.