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Élections législatives : les catholiques face à un choix

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Premier tour des élections législatives, 30 juin 2024.

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Agnès Pinard Legry - publié le 30/06/24
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Les dernières estimations donnent le Rassemblement national (RN) en tête du premier tour des élections législatives avec 34% des voix suivi du Nouveau Front populaire avec 29,1% et la majorité présidentielle qui obtient 21,5%. Les possibilités laissées par le second tour dimanche prochain laissent nombre de catholiques dans l’expectative. Et les contraint, pour une partie, à un choix qu’ils ne souhaitent pas poser.

Les estimations de ce premier tour des élections législatives donnent le Rassemblement national (RN) en tête avec 34% des voix, suivi du Nouveau Front populaire (NFP) à 29,1% et de la majorité présidentielle qui obtient 21,5%. Au terme du second tour, dimanche 7 juillet, le RN pourrait obtenir une majorité absolue, selon certaines projections en sièges. Fort d’une participation en hausse, le scrutin de ce soir a conduit à la qualification de trois candidats dans de nombreuses circonscriptions, laissant présager un nombre record de triangulaires à l’issue du premier tour. En 2022, il n’y avait eu que huit triangulaires et aucune quadrangulaire. Jean-Luc Mélenchon a dans la foulée annoncé que le NFP retirerait ses candidats s'il arrivait en 3e position derrière le RN. "Partout où on est troisième, on se désistera et on appellera à voter pour le candidat qui peut battre le RN", a ajouté Raphaël Glucksmann (PS). "Le danger qui guette notre pays aujourd'hui, c'est l'extrême gauche", a pour sa part estimé François-Xavier Bellamy, qui était tête de liste LR lors des élections européennes.

Un résultat attendu diront certains sondages mais qui contraint nombre de catholiques à un choix qu’ils estiment pour une partie impossible. Cas de conscience, impression de renier une partie de ses convictions… Comment opérer le bon choix quand ce dernier semble impossible ? "Pour le premier tour des législatives, j’ai pu faire un choix en accord avec mes convictions", assure Philippe, ingénieur de 37 ans et catholique pratiquant. Mais pour lui le second tour promet d'être douloureux. Dans sa circonscription comme dans beaucoup d'autres en France, le second tour des législatives va voir s’opposer le RN au NFP, coalition rassemblant notamment Les Écologistes, La France insoumise, le Parti communiste français et le Parti socialiste. Deux offres politiques que les catholiques rejettent pour de nombreuses raisons.

Sur la fin de vie par exemple, aucun des deux programmes ne mentionnent cette thématique pourtant essentielles. Mais lors des derniers débats sur l'aide à mourir, les députés LFI avaient voté pour la légalisation de l’euthanasie et avaient même adopté en commission un "délit d’entrave à l’aide à mourir". S’ils se sont majoritairement opposés à l’euthanasie, les députés RN demeurent divisés sur cette question. Sur l’Éducation, le NFP compte redonner à l’école publique son "objectif d’émancipation". Pour y arriver la coalition mise par exemple sur la modulation des dotations des établissements scolaires, y compris privés, en fonction de leur "respect d’objectifs de mixité sociale". Le RN souhaite remettre au cœur des programmes l’enseignement du français, des mathématiques et de l’histoire. Il mise également sur l’autonomie des établissements. Pour "rétablir l'autorité", le RN prévoit d'envoyer les élèves perturbateurs dans des centres spécialisés. Pouvoir d’achat, immigration, écologie… La liste se poursuit sans qu’aucun des deux programmes n’emportent l’adhésion pleine et entière des catholiques. 

Un cas de conscience ?

Pourtant, si on se fie au sondage Ifop réalisé pour le journal La Croix sur le vote des catholiques lors des élections européennes le 9 juin, 42% des catholiques français pratiquants ont voté pour les listes du RN et de Reconquête !. Si pour eux le vote n’était pas un cas de conscience, il en demeure un pour nombre de catholiques pratiquants. "Dans un cas comme dans l’autre je vais devoir faire passer une partie de mes convictions au second plan… Mais comment hiérarchiser ses ‘critères’ ?", poursuit néanmoins Philippe.

Alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal Ratzinger avait formalisé en 2002 une note doctrinale sur les “points non négociables” concernant “l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique”. Parmi eux on retrouve la protection du droit primordial à la vie, depuis sa conception jusqu’à sa fin naturelle, la protection et la promotion de la famille, la garantie de liberté d’éducation des enfants, le droit à la liberté religieuse, le développement dans le sens d’une économie qui soit au service de la personne et du bien commun, le respect de la justice sociale, du principe de solidarité humaine et de la subsidiarité, ou encore la défense de la paix.

Des critères de discernement

Des critères de discernement qui peuvent les aider à apprécier les circonstances dans lesquelles leur choix va s’exercer et discerner ce qui leur paraît prioritaire… ou dangereux. Mais l’Église ne donne pas de consigne de vote. Les évêques de France ont diffusé courant juin une analyse de la situation et ont appelé les catholiques à la prière. Le vote s’inscrit toujours dans le cadre de la responsabilité politique des catholiques (Lumen gentium, 31-32). “Nos choix politiques sont de tout temps un mélange de rationalité et d’affectivité”, reconnaissait volontiers Mgr Bruno Valentin, évêque de Carcassonne et de Narbonne (Aude), il y a quelques jours. Oui, chacun vote autant “avec ses tripes” qu’avec sa tête. Mais “il est essentiel aujourd’hui de maîtriser nos passions, de nourrir notre réflexion et de mettre du cœur dans la raison”.

Que tous les citoyens se souviennent donc à la fois du droit et du devoir qu’ils ont d’user de leur libre suffrage, en vue du bien commun.

Compromis ne signifie pas non plus compromission. Cet entre-deux tours est aussi une occasion pour chacun de se rappeler les attentes légitimes que l’on peut avoir d’un candidat… et celles qui sont hors de propos. “Dieu seul nous sauve”, note ainsi l’évêque de Carcassonne. “Renonçons donc à toute attente “messianiques” vis à vis de nos élus : lorsque nous votons, nous ne cherchons pas à désigner un sauveur mais un serviteur.”

Peut-on voter pour autant pour le "moindre mal" ? Oui, en quelque sorte. "En conscience, un chrétien estimant que le respect des principes non-négociables de la vie commune considérés dans leur ensemble, serait gravement mis en cause par tous les candidats, pourrait choisir la voie de l’abstention ou du vote blanc", explique ainsi notre chroniqueur Philippe de Saint-Germain. Mais cela doit signifier qu’aucune perspective d’action publique en faveur du bien moral n’est possible en cas d’élection d’un des candidats présentés. "En outre et surtout, l’électeur doit peser sa décision pour s’interroger sur les conséquences de son vote, qui reste un acte politique, même s’il veut lui donner un caractère prophétique : à qui profitera son absence de choix, ne va-t-il pas contribuer à aggraver la situation ? » “Que tous les citoyens se souviennent donc à la fois du droit et du devoir qu’ils ont d’user de leur libre suffrage, en vue du bien commun", peut-on lire dans la constitution pastorale Gaudium et Spes "sur l'Église dans le monde de ce temps" issue du concile Vatican II.

Même si elle s’y attendait, Charlotte, bordelaise de 35 ans vivant désormais en Ile-de-France, affiche sa déception sans réserve. "Bien sûr que je me doutais que ça allait se terminer comme ça mais là…Choisir entre le RN, le NFP et le vote blanc, c'est dur." Elle se donne une semaine pour choisir. Ce sera le vote blanc ou un parti pour lequel elle n’a jamais voté jusqu’à présent. "Il faut que je hiérarchise les points qui me semblent essentiels de ceux que je pourrais assumer d'avoir mis de côté", indique-t-elle. "Mais je compte surtout sur la prière pour m’apaiser et m’éclairer." Une prière qui promet d’être un rempart et un secours pour de nombreux fidèles ces prochains jours.

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