Deux églises et une dizaine de maisons bombardées : c'est le triste bilan d'une nouvelle opération aérienne menée par la junte birmane les 11 et 12 mai, dans un village situé à proximité de Tonzang dans l'État du Chin (ouest de la Birmanie). Les fidèles de l'église catholique sinistrée ainsi que le prêtre de la paroisse ont réussi à s'enfuir pour se réfugier dans les forêts environnantes, rapporte l'agence Fides. Dans ce pays écorché vif par la guerre civile, les affrontements continuent de faire rage entre l'armée birmane au pouvoir depuis le coup d'État du 1er février 2021 et les Forces de défense du peuple. La dureté des combats laisse une population exsangue, forcée de se déplacer en quête d'un semblant de sécurité. Dans la tourmente, la petite minorité catholique s'accroche et joue sa survie.
Les catholiques représentent 3% de la population birmane, répartis dans 16 diocèses. Le père Bosco, 41 ans, est prêtre de l'une des 31 paroisses du diocèse de Myitkyina, situé dans l'État du Kachin majoritairement catholique (frontalier avec la Chine, ndlr) : la paroisse de la Sainte-Famille, nichée au milieu de montagnes escarpées et entourée d'épaisses forêts. La population y vit habituellement d'agriculture et de la culture du riz, une partie travaillant dans les mines d'or et de jade. Sa paroisse regroupe 620 foyers, dont la grande majorité vivent déjà dans une pauvreté extrême. "Aujourd'hui, à cause des combats et du trafic d'opium et de drogue, la situation est de plus en plus difficile pour la population, en particulier pour la jeune génération", explique le père Bosco à Aleteia.
Les fidèles sont fortifiés, ils acquièrent une union spirituelle avec le Christ en recevant la sainte communion.
La junte birmane a intensifié la répression contre cette minorité religieuse, connue pour être un soutien des Forces de défense du peuple, affirme ainsi le jeune prêtre. "Nous ne pouvons pas dire que l’armée cible spécifiquement les chrétiens. Cependant, depuis le coup d’État de février 2021, elle a intensifié ses attaques contre la minorité chrétienne, commettant des atrocités telles que des meurtres et des arrestations de prêtres, incendiant des églises." Dernier exemple en date : la tentative de meurtre du père Paul Khwi Shane Aung alors qu'il célébrait la messe dans l'église Saint-Patrick de la ville de Mohnyin, dans le même diocèse que le père Bosco, le 12 avril dernier. Le 7 février, 21 maisons d'un village du diocèse ont été incendiées, contraignant les familles qui s'y trouvaient à trouver refuge dans des villages voisins. "Parmi les ménages touchés, il y a 4 familles catholiques et 17 familles baptistes. Au total, ce sont 175 personnes qui ont besoin d'une assistance immédiate. Actuellement, ces foyers sont confrontés à une grave pénurie de nourriture, de vêtements et de médicaments", détaille le père Bosco. À Nam Ya, les combats ont fait rage pendant deux jours, les 8 et 9 avril, à l'issue desquels les rebelles du Kachin ont réussi à reprendre un avant-poste. Une victoire qui laisse un goût amer au père Bosco et à ses ouailles. "Cela a causé beaucoup de dégâts aux maisons de nos villageois. Notre pauvre église, ainsi que la chapelle baptiste ont été touchées par des bombardements aériens, ainsi que notre crèche."
Le nord de la Birmanie sous le feu des combats
"Nous, chrétiens de Birmanie, vivons actuellement dans des zones actives de conflit. Notre peuple est confronté à de terribles difficultés, mais nous faisons de notre mieux pour maintenir la vie paroissiale", confie-t-il encore. "Nous célébrons normalement les messes et les sacrements." "Normalement", cela peut signifier au milieu des décombres, en pleine forêt ou sous une chapelle de fortune bâtie en bambou. Mais assure le père Bosco, "les fidèles sont fortifiés, ils acquièrent une union spirituelle avec le Christ en recevant la sainte communion".
Fin octobre 2023, plusieurs factions armées de rebelles se sont réunies afin de mener une vaste offensive contre l’armée régulière. Cette opération a embrasé la région du nord de la Birmanie où se concentrent des villages majoritairement chrétiens, marquant un point d’orgue dans la guerre. "Dans l’État Kachin, la lutte continue. Aujourd'hui, la KIA, (Armée de l'indépendance du Kachin), a repris de nombreuses bases et avant-postes militaires clés depuis le début de l'offensive", explique le père Bosco, qui se veut plein d'espérance. "Nous sommes conscients que nous ne sommes pas seuls", affirme-t-il ainsi. "Nous savons ce que Dieu a fait pour son peuple asservi, il en a fait une nation pleine d’espoir pour l’avenir. Nous sommes assez courageux pour continuer à lutter et à accomplir notre mission."