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[HOMÉLIE] Le chrétien responsable choisit le Bon Pasteur

Détail d'une aquarelle de James Tissot, Le Bon Pasteur, Brooklyn Museum.

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Christian Lancrey-Javal - publié le 20/04/24
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Curé de Notre-Dame de Compassion à Paris, le père Christian Lancrey-Javal commente l’évangile du Bon Pasteur, pour le 4e dimanche de Pâques (Jn 10, 11-18). Un bon chrétien est un chrétien responsable. L’Évangile nous invite à exercer notre responsabilité en choisissant notre maître : le Bon Pasteur et non le berger mercenaire qui nous égare.

Le temps pascal nous ouvre à la perspective des fins dernières. Au jour de Pâques, nous méditons sur la véracité de Dieu : "Il tient toujours Parole", il tient sa promesse de la Résurrection ; le deuxième dimanche de Pâques est celui de la Miséricorde, qui suppose qu’on ait le désir du pardon ; le troisième dimanche de Pâques est celui du Jugement particulier, et avant d’aborder en confiance la possibilité de la damnation le 5e dimanche de Pâques, avec la parabole de la vigne et des sarments secs jetés au feu, il faut nous arrêter ce 4e dimanche de Pâques sur la question de notre responsabilité que suppose le Jugement particulier.

Il n’existe pas de péché collectif

Nous sommes une religion de la responsabilité personnelle. C’est notre grandeur et notre dignité. Et nous nous égarons chaque fois que nous nous y dérobons, que nous nous cachons derrière une prétendue responsabilité collective. Il n’existe pas de péché collectif. "Celui qui a péché, c’est lui qui mourra" (Ez 18, 4). Cette révélation, décisive dans l’Histoire du Salut, a été portée par les prophètes Ezéchiel et Jérémie dans la parabole des raisins verts : "Qu’avez-vous à répéter ce proverbe : "Les pères mangent du raisin vert, et les dents des enfants en sont irritées" ? Par ma vie ! – oracle du Seigneur – vous n’aurez plus à répéter ce proverbe : celui qui a péché, c’est lui qui mourra" (Ez 18, 3-4). "Chacun mourra pour sa propre faute ; tout homme qui mangera du raisin vert, ses propres dents en seront irritées" (Jr 31, 30). C’est faute de l’avoir accepté que l’antisémitisme par exemple s’est développé contre un peuple qui aurait "tué Jésus", ou qu’on s’est contenté plus récemment d’une responsabilité "systémique" pour les crimes monstrueux des abus sexuels dans l’Église

Nos domaines de responsabilités

La parabole du bon pasteur et des bergers mercenaires est pourtant claire. Elle est le troisième texte de l’évangile qu’il faut avoir à l’esprit s’agissant de nos responsabilités qui s’exercent dans trois domaines. Le premier, fondamental, est le déploiement de nos talents, telle qu’en parle la parabole des talents de saint Matthieu (Mt 25, 14-30) ou des mines chez saint Luc (Lc 19, 11-27). Au soir de notre vie, nous rendrons compte de la bonne utilisation de nos dons, des capacités que nous avons tous reçues. 

La brebis est un symbole de vulnérabilité : elle est, de toutes les créatures qui lui sont comparables, celle qui a le moins de défense.

Le deuxième texte qui suit dans l’évangile de Matthieu (Mt 25, 34-36), est la parabole du Jugement dernier, qui évoque le deuxième domaine dans lequel notre responsabilité est engagée : l’attention aux pauvres, aux malheureux, le partage avec ceux qui ont faim, qui sont nus, étrangers, seuls, abandonnés. Cette attention aux pauvres comprend la protection des petits, figurés par les brebis dans la parabole du Bon Pasteur (Jn, 10 11-18). La brebis est un symbole de vulnérabilité : elle est, de toutes les créatures qui lui sont comparables, celle qui a le moins de défense. Elle a besoin d’être gardée et protégée, et les bergers sont là dans la nuit de Noël tandis que dans la crèche le bœuf et l’âne sont des symboles de fidélité : "Le bœuf connaît son propriétaire, et l’âne, la crèche de son maître" (Is 1, 3). Nous n’avons pas cet instinct. Nous ne sommes pas des créatures conduites par l’instinct : nous avons la liberté de nous perdre, et la responsabilité d’apprendre à nous diriger.

Le choix de ses amis

La parabole du Bon Pasteur nous indique alors le troisième domaine dans lequel notre responsabilité est engagée, à savoir le choix de nos amis, de nos modèles et de nos maîtres, le choix que nous faisons, adultes, des personnes que nous écoutons, que nous suivons, que nous admirons. C’est le premier lieu d’exercice de notre liberté. Il ne suffit pas de dire qu’il faut protéger les petits : il faut se reconnaître soi-même fragile et vulnérable, pour se garder soi-même, se protéger, s’éloigner et se séparer des méchants. La conscience était vive dans les temps passés, et peut-être excessive, des personnes qu’il valait mieux ne pas fréquenter. C’était même un aspect essentiel de l’éducation : attention à qui vous voyez, qui vous écoutez, que consciemment ou non vous cherchez à imiter. Car vous avez plus de chances de devenir comme eux qu’eux comme vous. Attention aux "attelages disparates" : "Ne formez pas d’attelage disparate avec des incroyants" (2 Co 5, 6). Ce sont deux dangers à éviter : l’entre-soi, dont on fait si grand cas, et la perte d’identité, la dilution dans le monde. Gardons-nous au soir de notre vie de nous réfugier dans le déni comme nos premiers parents quand l’homme a répondu à Dieu : "C’est la femme qui m’a donné du fruit de l’arbre" et la femme : "C’est le serpent qui m’a trompée" (Gn 3, 12-13), et gémir semblablement : "Je n’y suis pour rien, ce sont les autres qui m’ont entraîné…" Nous sommes une religion de la responsabilité personnelle. Celui qui a péché, c’est lui qui mourra.

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