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Sainte-Croix-en-Jarez, éblouissement garanti !

C’est à la fin du XIIIe siècle, précisément en 1280, que furent posées les premières fondations d’un monastère à Sainte-Croix-en-Jarez.

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Raphaëlle Coquebert - publié le 12/04/24
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La seule chartreuse au monde reconvertie en village se trouve en France, dans la Loire. Ne manquez pas d’aller visiter ce joyau patrimonial, qui a échappé à la fureur destructrice révolutionnaire et conservé de beaux vestiges de son passé monastique.

De prime abord, le randonneur parti s’évader dans le massif du Pilat croira avoir affaire à un de ces adorables villages de pierres dont la France est constellée : enceinte fortifiée, arches, tuiles canal, niches ornées de statuettes et nom fleurant bon le christianisme : Sainte-Croix-en-Jarez. Mais pour peu qu’il soit attentif, il s’étonnera d’abord de la forme des meurtrières encore visibles sur les remparts : un globe surmonté d’une croix - où les érudits reconnaitront l’emblème de l’ordre des chartreux… Puis, une fois entré par la majestueuse porte cernée de tours, de la présence au cœur d’une vaste cour d’une croix monumentale.

Cette cour n’est pourtant bordée que d’élégantes maisons tapissées de lierre devant lesquelles sont garées des voitures. L’une d’elles arbore deux drapeaux français au-dessus d’un écriteau de bois désignant la mairie. Pourquoi ce mélange insolite de sacré et profane ? Par son smartphone ou les guides diligents du Point Information, ce visiteur étonné apprendra que ces murailles abritaient autrefois une vaste chartreuse où durant 500 ans des hommes exilés du monde revêtirent une cuculle blanche pour signifier leur choix d’une vie monastique entièrement dédiée au Seigneur

Un enracinement monastique pérenne

C’est à la fin du XIIIe siècle, précisément en 1280, que furent posées les premières fondations d’un monastère, en guise de cadeau d’adieu d’une femme à son défunt mari, seigneur des lieux. Pour faire honneur à ce dernier, Guillaume de Roussillon, disparu en Terre sainte à Saint-Jean-d'Acre en 1277, Béatrix de la Tour du Pin choisit de faire ériger une chartreuse, la 62e en Europe. Sa famille comptait déjà parmi les bienfaitrices de l’ordre fondé par saint Bruno. Des moines s’y installent dès 1283. Ils étaient sans doute loin d’imaginer que leur communauté prenait racine dans ce site retiré, entre les vallées du Rhône et du Gier, pour plus de… 500 ans. Au plus fort de sa croissance, elle compta une trentaine de moines.

La cour de Sainte-Croix-en-Jarez

Il ne restait que cinq pères quand survint la Révolution française. Foncièrement hostile à l’Église, on sait qu’elle expulsa méthodiquement les congrégations religieuses, faisant main basse sur leur patrimoine. Ainsi les bâtiments de la Chartreuse réquisitionnés par l’État furent-ils vendus aux enchères en 44 lots : des familles d’artisans et d'agriculteurs du coin s’en portèrent acquéreurs. C’est ainsi que ces murs habitués aux psalmodies des moines ou aux travail silencieux des frères convers - forgerons, menuisiers, boulangers…- résonnèrent désormais de cris d’enfants, de chants transmis du fond des âges et de contes relatés durant les veillées au coin de feu. 

Une cinquantaine de personnes résident aujourd’hui dans l’ancienne chartreuse. Que reste-t-il de ces siècles de vie monastique où toute la vie s’ordonnait autour d’une prière continue ? Suffisamment de vestiges pour que ça en vaille le détour.

Un village au supplément d’âme

L’ordonnance des lieux n’a pas été par trop modifiée : la cour sur laquelle on débouche en franchissant la porte principale creusée dans la muraille est entièrement réservée aux habitants et aux administrations, mais, on l’a dit, a préservé la croix installée en son centre. Restaurée et modifiée au XVIIe, cette cour accueillait en son sein les frères convers, artisans chargés de pourvoir aux besoins matériels du couvent : leur dortoir, des ateliers, des granges et entrepôts.

Sur les stalles en bois du XVIe siècle, de magnifiques miséricordes sculptées.

De là, on entre dans un petit cloître qui semble dater du XVIIe et desservait l’église, la salle capitulaire et le réfectoire. C’est cette zone dite cénobitique -celle réservée à la vie communautaire- qui a conservé les traces les plus éloquentes de la présence monastique : une cuisine où trône une imposante cheminée et surtout les deux églises qui se sont succédé au cours des cinq siècles d’occupation religieuse. L’église gothique (fin XIIIe siècle - début XIVe) transformée en 1629 après un incendie en sacristie et salle capitulaire, où l’on peut contempler de formidables peintures murales du XIVe redécouvertes sous un enduit à la fin du XIXe. En cours de restauration, elles ne sont plus visibles actuellement que sur un écran.

Et la seconde église au chœur baroque - aujourd’hui église paroissiale - bâtie à proximité dans l’ancien réfectoire entre la fin du XVIIe et le milieu du XVIIIe. Les miséricordes sculptées de ses stalles du XVIe en bois de chêne et noyer sont de toute beauté.
La dernière partie du monastère, dite zone érémétique, là où les pères et novices se retranchaient dans leurs cellules pour y faire oraison, aurait pu ne sauvegarder du passé que la croix sur socle qui figure là aussi au centre de la cour, si l’Association de Sauvegarde et d’Animation de la chartreuse n’avait eu l’heureuse idée de restaurer l’un des ermitages, accessible sur visite. Il rappelle opportunément la destination première de ces lieux inspirés, berceaux de prière et de foi.

[EN IMAGES] Les lieux où trouver le silence

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