Alors que Rome s’apprête à accueillir des œuvres de Marc Chagall à l’occasion du grand Jubilé de 2025, les amateurs d’art et de beauté pourront aussi se rendre dans une petite chapelle de Corrèze pour contempler les derniers vitraux réalisés par l’artiste. C’est un descendant des bâtisseurs de la chapelle du Saillant, Guy de Lasteyrie du Saillant, passionné d’art et fasciné par le travail de Marc Chagall, qui a commandé à l’artiste à la fin des années 1970 des vitraux pour ce sanctuaire situé à proximité du château familial. Marc Chagall en dessine les maquettes tandis que les vitraillistes d’un atelier rémois réalisent les vitraux. Les effets de grisaille et les finitions seront ajoutés par Marc Chagall lui-même. L’artiste a pourtant 91 ans lorsqu’il se lance dans ce projet dont la réalisation s'est étalée entre 1978 et 1981.
La petite chapelle du XVIIe siècle, située sur la commune de Voutezac, n’est pas la seule à posséder des vitraux de Marc Chagall. La cathédrale Notre-Dame de Reims et la cathédrale Saint-Étienne de Metz en comportent de bien plus grands. Mais ceux du Saillant ont le privilège d'être les derniers à avoir été installés du vivant de Chagall.
Six vitraux, six scènes champêtres
Six vitraux ont été installés dans la petite chapelle : une baie dans le chœur, quatre baies dans la nef et une rose au-dessus du portail. Le peintre, en accord avec son commanditaire, a voulu que ces vitraux soient le reflet de la vie quotidienne des paysans de la campagne corrézienne. Si les sujets traités représentent cette campagne environnante, ils sont aussi un hommage à la beauté de la création et au travail des hommes.
La grande baie a pour thème la création du monde. Elle reprend les quatre éléments, le feu de l’Esprit saint illuminant l’eau, la terre, l’air. La présence de végétation est juste effleurée. Les deux bouquets de la rose du portail sont symbole d’amour, mais aussi de paix et de sérénité, thèmes chers à Chagall. Ils rappelleraient les bouquets que Bella, la femme de Chagall, lui apportait tous les matins. Un coq y salue le lever du soleil.
Chagall a choisi, pour les quatre vitraux latéraux, d’utiliser une grisaille soulignée de jaune et d'argent, afin de garder le maximum de luminosité dans la chapelle aux ouvertures réduites. Il y représente des travaux de la vie à la campagne, avec une évidente dimension religieuse. Un faucheur et sa famille évoquent la moisson, et donc l’eucharistie. La vigne et une scène de vendange rappellent le vin. Un berger guidant son troupeau ne peut que renvoyer à l’agneau et au sacrifice. Quant au pêcheur à la rivière, tirant son filet plein de poissons, il symbolise le Christ.
Une restauration menée au cours d’une campagne de dix-huit mois a permis aux vitraux de retrouver toutes leurs couleurs en 2021. Les grilles de protection ont été remplacées par du verre transparent, pour protéger ces fragiles trésors, à la fois des intempéries et du vandalisme. La lumière qu’ils laissent passer n’en est que plus belle. N’est-ce pas ce que l’on attend d’un vitrail ?