L'humanité pour une pomme ? N'est-ce pas là, au fond, le premier péché de l'homme ? Ce geste que Dieu défendit au jardin d'Eden et qu'Ève brava tient au plaisir de la bouche qui croque le fruit interdit. "La femme s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux, qu’il était agréable à regarder et qu’il était désirable, cet arbre, puisqu’il donnait l’intelligence. Elle prit de son fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, et il en mangea." (Gn 3, 6). C'est parce qu'elle céda à sa gourmandise face au fruit, beau et appétissant, qu'Ève désobéit à ce commandement divin qu'il lui interdisait de se saisir du fruit de la connaissance du bien et du mal. Plût à Dieu d'en faire un fruit sans faire de la première femme une autre Pandore qui, pour briser l'alliance, ouvrit une boîte qui répandit au monde ses vices en le privant d'espérance.
Si la Genèse nous parle d'un fruit, c'est que c'est aussi par gourmandise qu'Ève a péché. Si l'on a fait de la gourmandise ce "péché mignon", il n'y a rien pourtant rien d'attendrissant dans le mal. Renoncer à la gourmandise, qui, poussée à son paroxysme, verse dans la gloutonnerie, c'est vaincre la chair pour entrer dans la lice. Renoncer à cette part de gâteau, à cette deuxième portion, à ce "plus" qui n'est pas nécessaire, ce n'est pas mépriser les bons plaisirs et vivre d'ascèse, c'est apprivoiser son esprit et son corps pour offrir humblement cette petite privation au Dieu d'amour qui a créé pour nous tous les beaux fruits du monde.