Tout le monde le connaît sans savoir le nommer. Ce petit signe (†) qui impose une gravité respectueuse lorsqu'il suit le nom qu'il accompagne lui octroie tantôt un air sinistre, tantôt une solennité mesurée. L'obèle, nous dit le Robert, est ce "trait noir en forme de broche servant à signaler un passage interpolé sur les manuscrits anciens", c'est-à-dire pour indiquer un extrait introduit dans une œuvre à laquelle il n'appartient pas. C'est à cet usage que saint Jérôme recourt dans sa traduction de la Bible, imitant Origène dans l'insert de textes étrangers au texte original. Robert Estienne signale ainsi l'usage du signe diacritique dans son édition de la Vulgate en 1540 :
Imitant Origène et Jérôme, nous avons utilisé l’obèle, c’est-à-dire, une petite pique, et l’astérisque, c’est-à-dire, une petite étoile. L’obèle indique qu’une chose doit être amputée et critiquée, car elle ne se trouve ni dans les manuscrits anciens ni dans les livres hébraïques ou grecs authentiques. En revanche, l’astérisque signale une chose venant des anciens codex latins, hébraïques et grecs qui manque dans la traduction commune. (Trad. Eran Shuali)
L'usage reste de mise dans la critique contemporaine de textes anciens pour signaler un passage contesté, qu'il encadre de deux †. Dérivé du grec ὀϐελός / obelos, c'est-à-dire broche, l'obel ou obèle partage son étymologie avec l'obélisque, littéralement "petite broche" ; loin de celle, donc, qui trône place de la Concorde à Paris. Si la typographie rattache l'obèle à la dague ou au poignard, sa forme, qui se rapproche de la croix latine, signale également une information relative à la mort. Utilisée à la suite d'un nom, elle indique ainsi le décès de la personne qu'elle désigne.