"Il faut pour être amis, constate Aristote dans son Éthique à Nicomaque, qu’aux sentiments d’une bienveillance réciproque [...] on joigne la connaissance du bien qu’on se veut mutuellement" (VIII, II). Le philosophe pense ainsi la philia, c'est-à-dire l'amitié, selon trois critères : l'utile, le plaisir et la vertu. C'est dans cette troisième définition que se réalise l'amitié parfaite. Celle-ci dépasse à la fois le seul - et sain, si ce n'est saint - plaisir éprouvé dans la compagnie de certains, ainsi que toute forme de profit qu'une relation peut apporter à celui qui l'entretient. L'amitié, qui est une forme de l'amour, ainsi purifiée, est celle qui aime l'autre pour lui et qui recherche, dans son compagnonnage, un bien commun. C'est, dans la Bible, la figure du Bon Samaritain, "saisi de compassion" à la vue d’un homme laissé pour mort qu'ignorent le prêtre et le lévite (Lc 10, 25-37).
Le carême est semblable au creuset que chante l'Hymne vespérale du Mercredi des cendres. Avec le psalmiste, ces 40 jours invitent à suivre l'invitation que le Seigneur adresse à son peuple : "Oublie les soutiens du passé, en Lui seul ton appui ! C’est Lui comme un feu dévorant qui veut aujourd’hui ce creuset pour ta foi". Le carême est aussi le temps pour purifier ses relations et apprendre à se détacher, dans la douleur et la confiance, de celles qui ne nous mènent pas au bon, au bien et au vrai.