L’exercice est attendu, codifié, cadré. Chaque année, le Pape reçoit les ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège — ils sont plus de 180 — pour un échange de vœux et un discours sur la paix dans le monde. Le discours est prononcé dans la salle des bénédictions de la basilique Saint-Pierre, suivi d’une salutation aux membres présents et d’une photo de groupe dans la chapelle Sixtine. Un cadre historique et artistique loin du fracas du monde, pour évoquer néanmoins les guerres qui ravagent le globe.
Le Pape dresse la longue liste des principaux conflits en cours : Ukraine, Terre sainte, Soudan, Caucase, Congo, Yémen… une longue liste où, pour certains pays, la fin des combats semble impossible. Il y a là un point d’inflexion essentiel dans le rapport entre la force et la faiblesse, qui est l’essence même de la diplomatie. Quand le Pape dénonce les guerres en cours, appelle à des cessez-le-feu, demande que la vente d’armes cesse, n’est-il pas dans une posture dérisoire parce qu’inefficace ? Il est évident que la Russie ne va pas quitter l’Ukraine parce que le Pape a condamné cette guerre. Ni que les massacres en cours au Congo vont s’arrêter pour suivre l’injonction pontificale à la paix. Et pourtant, l’essentiel du propos n’est pas là mais dans le fait de nommer les guerres et les conflits pour qu’ils ne soient pas oubliés et pour que les victimes puissent bénéficier d’une sollicitude mondiale.
À défaut de faire cesser les combats, les paroles du Pape peuvent apporter un peu de baume aux populations en souffrance, être, chaque année, la voix des sans voix.
Le pape François a insisté cette année sur le visage des victimes des conflits, sur la mesure à prendre des drames causés par les guerres, sur le fait que derrière les chiffres des victimes il y a des personnes, des vies, des êtres. Les guerres ne vont pas s’arrêter, mais parce qu’elles ont été nommées, parce que les regards du monde se seront penchés, même subrepticement, sur les conflits, elles auront été un peu humanisées. À défaut de faire cesser les combats, les paroles du Pape peuvent apporter un peu de baume aux populations en souffrance, être, chaque année, la voix des sans voix.
Attaquer la racine des guerres
Pour établir la paix, c’est à la racine des guerres qu’il faut s’attaquer. Le Pape est revenu sur sa croisade contre les armes en proposant une politique internationale de désarmement et en œuvrant pour établir les conditions d’une paix juste dans les pays touchés par les conflits.
On pourra être surpris par le fait qu’il ait évoqué l’euthanasie et la GPA lors de ces vœux au corps diplomatique, ces sujets étant apparemment éloignés des questions militaires et sécuritaires. C’est que, dans l’esprit du Pape, comme il le répète régulièrement, "tout est lié". La guerre, ce n’est pas uniquement l’affrontement militaire, mais l’absence de justice. Partout où il y a des populations martyrisées ou maltraitées, il y a situation de guerre. Les civils qui meurent sous les bombes en Ukraine ou à Gaza sont tout autant victimes de la guerre que les personnes euthanasiées et les enfants issus de mères porteuses puis vendus. La racine de tout cela, c’est l’effacement des visages, l’oubli de la dignité de la personne humaine. Quand l’être humain est vu comme un objet ou une chose et non pas comme un être digne en soi, alors il peut être enrôlé de force dans des réseaux d’enfants soldats, drogués pour combattre pour l’État islamique, servir de chair à canon pour des États peu scrupuleux, ou bien être euthanasié parce que vieux et malade. Si les effets sont différents, la cause est la même : la préférence pour la mort et l’effacement de la personne humaine.
Liberté religieuse
Le Pape a terminé ses vœux par un rappel de l’importance de la liberté religieuse. Parmi les 184 ambassadeurs présents, plusieurs représentent des pays où les chrétiens ne peuvent pas vivre publiquement leur foi. La diplomatie ne consiste pas à parler à nos amis, mais à tous les États et à toutes les personnes, surtout celles avec lesquelles nous sommes en froid, afin de pouvoir trouver des solutions. Évoquer la liberté religieuse, c’est défendre les minorités chrétiennes dans le monde et ce droit inaliénable et sacré, comme la vie, qui consiste à pouvoir pratiquer sa foi. Là aussi, c’est une des conditions essentielles de la paix.