Junípero Serra (1713-1784), qui était prêtre franciscain et professeur de philosophie en Espagne, s’était senti appelé à évangéliser dans les Amériques. Il partit donc pour le Nouveau Monde comme missionnaire et s’installa dans l’actuelle Californie, où il fonda les neuf premières missions catholiques (sur les vingt-et-une qui existent aujourd’hui). À cette époque, cette région faisait partie de l’empire espagnol, où vivaient des communautés autochtones : les Amérindiens.
Après la béatification de Junípero Serra par le pape Jean-Paul II en 1988, des débats sur la moralité de la conquête des Amériques par les Européens, et plus particulièrement par les Espagnols, ont fait couler beaucoup d'encre. Le 500e anniversaire du premier voyage de Christophe Colomb se profilait à l'horizon, et Junípero Serra était considéré par certains comme faisant partie intégrante d'une structure coloniale oppressive. En 2015, année du voyage du pape François aux États-Unis, le débat autour de lui et de son rôle dans l'introduction du christianisme et de la culture européenne en Californie s'est encore un peu plus polarisé.
La bataille autour d’un saint
Si bien que ces dernières années, de nombreux manifestants se sont attaqués aux statues de Junípero Serra dans tout l'État de Californie. Nourris par des récits simplistes, ils espéraient corriger les injustices actuelles en détruisant des icônes du passé. Même les autorités civiles, dans l'espoir de réduire les tensions et d'apaiser les manifestants, ont fait leur part en retirant les statues du saint des lieux publics.
Si pour les manifestants qui ont renversé ces statues en Californie, Junípero Serra représente "la haine, le sectarisme et la colonisation", pour les évêques de Californie, l’homme s’identifiait aux démunis, aux personnes marginalisées et intervint à plusieurs reprises pour demander la clémence des autorités espagnoles à l’égard des populations autochtones : "Si nous le considérions avec lucidité, nous le verrions comme l’un des premiers défenseurs américains des droits de l’homme des peuples autochtones" affirmait ainsi en juin 2020 l’Archevêque de Saint Francisco, Salvatore Cordileone.
Pour Mgr José Horacio Gómez, archevêque de Los Angeles et président de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis, aussi, "saint Junípero n’est pas venu pour conquérir ; il est venu pour être un frère. Il avait écrit : “Nous sommes tous venus ici et y sommes restés avec pour seuls buts leur bien-être et leur salut [...] Et je crois que tout le monde peut remarquer que nous les aimons”".En travaillant avec les Amérindiens, Junípero Serra a été un homme en avance sur son temps qui a fait d’immenses sacrifices pour défendre et servir la population autochtone. Les chrétiens qui connaissent véritablement son histoire, voient sa volonté de se sacrifier pour eux et sa foi profonde en Dieu. Même le pape François avait dit lors de la canonisation de saint Junípero Serra "le peuple saint de Dieu, sait parcourir les chemins poussiéreux de l’histoire parsemés de conflits, d’injustices et de violence, pour aller à la rencontre de ses fils et frères [...] aujourd’hui, nous nous souvenons de l’un de ceux-là, qui a su témoigner sur ces terres de la joie de l’Évangile, Frère Junípero Serra".