Depuis la réforme du bac, celui-ci se passe quasiment pour moitié au contrôle continu. Les matières telles que l’histoire-géographie, l’enseignement scientifique, les langues vivantes, mais aussi les diverses options telles que les mathématiques complémentaires, le latin ou le droit ne font l’objet d’aucun contrôle terminal : autrement dit, les lycéens ne passent pas d’épreuve de bac en langues ou en histoire-géographie. Cela signifie que nos lycéens en classe de première et de terminale sont à chaque interrogation écrite, devoir maison, contrôle, considérés comme des candidats au bac.
D’où la nécessité de respecter un principe d’égalité absolu : plus question pour un élève de rendre un devoir supplémentaire, si l’ensemble de la classe ne le fait pas également, plus question pour un professeur de donner plus ou moins d'évaluations que son collègue de la classe d’à côté, le "plan local d’évaluation" faisant loi. On en comprend bien évidemment la logique, en revanche la sacro-sainte liberté pédagogique en prend un coup.
Une logique de concours
Mais le sujet principal de préoccupation réside dans l’explosion des stratégies de contournement, façon pudique de nommer la triche dans les courriers adressés aux parents d’élèves. Il faut comprendre que non seulement nos jeunes sont des candidats au bac tous les jours pendant deux ans, mais il se trouve que toutes leurs notes remontent dans leur dossier Parcoursup : en fonction de leur classement, ils seront acceptés ou refusés dans les formations d’enseignement supérieur pour lesquelles ils ont émis des vœux. Il s’agit ouvertement d’une logique de concours, qui commence dès la classe de première, et que les élèves ont parfaitement comprise. Et si ce n’est pas le cas, leurs parents se sont chargés de leur expliquer.
La moindre note revêt un tel enjeu que pour un grand nombre de jeunes la recherche de stratégies de triche les occupe plus que ne l’aurait fait une simple révision en bonne et due forme !
Alors de quel contournement s’agit-il ? Celui des absences stratégiques : certains développent des symptômes invalidants et répétitifs pile la veille des évaluations. Or ces évaluations doivent être reprogrammées pour garantir la stricte égalité du nombre de notes dans la classe. Donc les professeurs se retrouvent à préparer des kyrielles de sujets, et les élèves ont gagné quelques jours supplémentaires pour préparer leur contrôle. Évidemment la lutte contre ce fléau s’est organisée : si trop d’absences pour malaise inopiné ont été constatés, l’élève devra repasser en juin une épreuve terminale de baccalauréat… comme au bon vieux temps !
Les devoirs à la maison vont disparaître
Mais surtout, la moindre note revêt un tel enjeu dans l’esprit de nos jeunes, que pour un grand nombre d’entre eux, la recherche de stratégies de triche les occupe plus longuement que ne l’aurait fait une simple révision en bonne et due forme ! Les devoirs faits à la maison et notés vont quasiment disparaître, car les professeurs se lassent de noter des corrigés pêchés sur Passetonbac.com ou Jesaistout.fr, et James Bond lui-même aurait des leçons à recevoir de tous ceux qui parviennent à tricher au nez et à la barbe de leurs professeurs ou surveillants.
C’est ainsi, on le sait, pas besoin d’avoir regardé Les sous-doués passent le bac pour savoir que tout ceci a toujours existé ; en revanche, les nouvelles modalités du bac et le fonctionnement de Parcoursup ont placé nos jeunes en situation effective de concurrence permanente, situation dont ils sont le plus souvent très conscients, et dont ils cherchent à s’échapper avec les moyens du bord. Et ne parlons pas d’un autre accommodement pas plus glorieux : celui qui consiste pour les professeurs à remonter artificiellement les notes d’une classe pour éviter les revendications des parents…
Certifications indépendantes
Élèves sous pression, notes insincères, parents méfiants, professeurs fatalistes : ne nous étonnons pas alors de voir fleurir un nombre considérable de certifications indépendantes, qui finissent par arriver dans les lycées, et qui bientôt supplanteront les moyennes de bac. Certificat Voltaire, TOIEC, Dual-Diploma, Concours Castor, Cambridge, et bien d’autres deviennent pour les formations supérieures le gage du niveau réel des élèves… Une deuxième usine est en marche.