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Parcoursup, la logique déguisée d’un concours

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Jeanne Larghero - publié le 05/06/21
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Il ne suffit pas de passer son bac, il faut se soumettre à la logique du concours pour décrocher une place dans l’enseignement supérieur avec Parcoursup. Ce nouveau système de sélection fonctionne-t-il dans la vérité ?

Liste d’attente, classement, liste d’appel… Les élèves de terminale en France ont les yeux rivés sur les résultats de Parcoursup depuis le 27 mai. Beaucoup d’appelés, beaucoup d’élus, tel est le système éducatif français : tous ceux qui ont le bac se voient ouvrir les portes des études supérieures. Cependant, les parents qui découvrent pour la première fois la procédure Parcoursup ont un sentiment bien différent : leur enfant est admis, refusé, ou sur liste d’attente. Par établissement demandé, il connaît son rang au classement général de tous les candidats, et on l’informe également du rang d’admission constaté l’année précédente dans la formation qu’il brigue. Il est donc bien dans la peau de quelqu’un qui attend les résultats d’un… concours.

Et c’est là que le bât blesse. Nos lycéens travaillent en vue de l’examen du bac et constatent à la fin de l’année qu’ils passaient un concours. On comprend aisément l’origine du problème : 96% des lycéens de 2020 ont eu leur bac ! Cette année encore une génération complète de lycéens postulera dans l’enseignement supérieur. Ces lycéens tous bacheliers sont-ils subitement devenus géniaux ? Il est clair que des années de politique hypnotisée par le concept d’égalité des chances ont contribué à attribuer massivement ce diplôme à des jeunes dont on constate par ailleurs la baisse de niveau, tous les indicateurs le montrent. Un certain Luc Ferry disait déjà en son temps « aujourd’hui pour ne pas avoir son bac, il faut faire la demande… »

Cynisme, désinvolture ou réalisme ? Toujours est-il que le problème ne fait que s’amplifier : le décalage entre le niveau général des bacheliers et les attendus en post-bac ne cesse de se creuser. Les établissements post-bac conservent des exigences de niveau qui justifient une sélection, sans compter que les places en amphi ne sont pas indéfiniment extensibles. À cela s’ajoute le fait que bon nombre d’étudiants actuels de première année ont renouvelé leurs candidatures sur Parcoursup par filet de sécurité, en attendant leurs résultats de passage en deuxième année : l’encombrement est à son comble ! 

La réforme du bac, passé désormais majoritairement en contrôle continu fait prendre conscience à nos lycées de cette logique de concours : on travaille pour un dossier qui se construit sur deux ans, années de première et de terminale réunies. À eux de gagner les places qui leur ouvriront les portes de la formation qu’ils espèrent. 

Il serait malhonnête de rassurer les élèves par des surnotations insincères, qui leur ouvriront peut-être les portes du post-bac mais les conduiront à rejoindre les rangs de ceux qui quittent le navire avant la fin de leur première année.

Deux questions se posent alors : est-ce vraiment cela que nous voulons ? Les mettre en situation de course permanente aux résultats depuis leurs 15 ou 16 ans ? Dans ce cas, il faudra en payer le prix : la massification de la triche, du plagiat, ou de l’absentéisme stratégique aux évaluations cruciales devient un sujet de préoccupation majeur pour les enseignants. Il s’agit d’un effet direct du sentiment de pression ressenti par des lycéens par ailleurs rompus aux technologies nouvelles, et capables de se connecter à Internet même sur la lune. D’où la deuxième question : comment assumer ce choix ? Tout d’abord en sortant de l’ambiguïté : il serait malhonnête de rassurer les élèves par des surnotations insincères, qui leur ouvriront peut-être les portes du post-bac mais les conduiront à rejoindre les rangs de ceux qui quittent le navire avant la fin de leur première année. Comme il serait cruel jouer les cassandre et de leur prédire le pire avenir s’ils ne se mettent pas à travailler. Ou stupide de les inviter à l’insouciance quand eux-mêmes et les parents ont une conscience vive de l’importance de leur dossier…

Alors il s’agit de revoir en profondeur le maniement de la notation, le rapport aux évaluations des élèves. Le nombre, la forme, l’objet, les conditions matérielles. L’exigence de cohérence entre les équipes éducatives, entre les établissements, ne peut plus être un vœu pieux.

Mais il reste à leur donner ce dont ils ont besoin à 17 et 18 ans : du rêve et de la vérité. De la vérité en les informant clairement de cette logique de concours déguisée. De la vérité en sanctionnant la fraude. Du rêve en les aidant plus que jamais à se projeter vers les années qui s’ouvrent devant eux : les années d’étude sont faites… pour étudier. Comme il serait bon de sortir de la logique de la course aux résultats ! Aimer étudier, étudier ce qu’on aime, voilà l’enjeu véritable, voilà ce qui peut donner du sens aux années passées à l’école. Se doter de compétences grâce auxquelles on pourra donner au monde le meilleur de soi-même, ce rêve est accessible à tous, et les chemins ne manqueront jamais.

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