Parmi les grands de ce monde, plusieurs princes, régnants ou non, s’intéressent à l’écologie. Cette préoccupation est très présente chez le nouveau roi d’Angleterre, Charles III, qui s’est mis dans les pas de son père, le prince d’Édimbourg, déjà très soucieux de l’avenir de la planète. De même pour le prince Albert II de Monaco, lui-même digne continuateur de son trisaïeul, le prince Albert Ier, fondateur du Musée océanographique de Monaco. Mais c’est la première fois qu’un prince de France s’engage publiquement sur la question. Le 4 juillet dernier, le prince Jean d’Orléans, comte de Paris et chef de la Maison royale de France, a publié un Manifeste pour l’écologie politique. Lui aussi se pose en héritier de son père, Henri d’Orléans, ami de l’écologiste Pierre Rabhi, mais dont la mort, en 2019, a interrompu le projet qu’il était en train d’élaborer sur le sujet.
Sur le terrain politique
Le prince Jean, de son côté, n’est pas complètement novice en la matière. En septembre 2005, pour le centenaire des expéditions de son aïeul, le prince Philippe d’Orléans, il avait participé sur un brise-glace à un voyage scientifique en Arctique au cours duquel il avait pu constater les effets du changement climatique. Plus récemment, en 2022, le Prince a prononcé une allocution à l’occasion de la Journée mondiale de la Terre, dans laquelle il a plaidé pour une approche équilibrée de la question environnementale. Aujourd’hui, avec ce manifeste qui résulte des conclusions d’un forum tenu à Bordeaux en mars dernier, le comte de Paris fait un pas de plus dans son engagement. À la différence des autres princes se plaçant plutôt dans une posture scientifique ou culturelle, le chef de la Maison de France se positionne clairement sur le terrain politique.
Se voulant aussi pédagogue, le manifeste souligne l’importance des mots et des concepts : il distingue l’écologie politique et la politique écologique.
Il introduit son propos par une référence aux travaux du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) qu’il considère comme une base scientifique incontestable, le distinguant d’emblée des écolo-sceptiques prompts à y voir une vision plus idéologique que scientifique. Toutefois, le Prince estime que ces travaux ne se suffisent pas à eux-mêmes et qu’il convient d’y associer une approche humaine. Il cite le préambule de la Conférence de Stockholm de 1972, un peu oublié aujourd’hui, qui, bien loin de voir dans l’homme un prédateur de la nature, affirmait que "l’élément naturel et celui que [l’humain] a lui-même créé, sont indispensables à son bien-être et à la pleine jouissance de ses droits fondamentaux, y compris le droit à la vie même" ainsi que l’encyclique Laudato Si’ du pape François de 2015 pour laquelle "une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale".
Vers le plein développement des hommes
C’est dans cette perspective que Jean d’Orléans veut inscrire son projet d’écologie politique qui s’avère assez radical, plaidant pour une économie qui ne soit plus fondée sur une croissance effrénée de la production et de l’accumulation au bénéfice d’une économie tournée vers "le plein développement des hommes" citant l’économiste François Perroux qui fut un conseiller de son grand-père. Il renvoie ainsi, dos à dos, "les partis politiques de gauche et de droite, qui soutiennent le productivisme prédateur ultralibéral" et "ceux des partis écologistes qui ont divinisé un écosystème Gaïa", leur préférant une mobilisation des citoyens, nouvelle illustration de l’appel au pays réel face au pays légal.
Se voulant aussi pédagogue, le manifeste souligne l’importance des mots et des concepts : il distingue l’écologie politique et la politique écologique, définit précisément l’écosystème et l’environnement afin de disposer d’un corpus d’idées et de références capables de guider l’action. On peut s’étonner que le Prince n’ait pas introduit plus précisément la notion d’écologie humaine mais ce serait lui faire un mauvais procès de penser qu’il ne s’en soucie pas, lui qui s’est toujours présenté en prince chrétien soucieux des enjeux anthropologiques.
Initiatives citoyennes
Si le cadre existe, il convient de le remplir. Le comte de Paris ne se cache pas la difficulté pour aboutir au résultat souhaité, conscient que le système actuel instrumentalise plus la société civile qu’il ne lui permet d’être réellement force de proposition. "Il nous faut donc trouver la forme dans laquelle ces initiatives citoyennes pourront être à la fois utiles et efficaces" mentionne le manifeste, qui conclut par ces mots : "Il faudra faire vite sans cesser de faire bien, car le temps nous est maintenant compté."