La déception est grande pour la minuscule communauté chrétienne de Gaza. Les permis de sortie, dont devaient profiter quelque 700 personnes à l'occasion des fêtes orthodoxes de Pâques ce samedi 15 et dimanche 16 avril, ne seront finalement pas délivrés par les autorités israéliennes. Traditionnellement concédées pour Noël et Pâques, ces autorisations permettent à des fidèles de quitter pendant quelques jours l’enclave palestinienne, sous blocus israélien depuis 2007, pour se rendre dans les lieux saints de Bethléem et Jérusalem. Cette année donc, aucun chrétien de Gaza ne pourra célébrer la résurrection du Christ dans la Ville sainte.
La décision a été communiquée sans explication, mais pour certains analystes, il ne fait guère de doute qu’elle est liée à la flambée de violences qui embrase la région depuis quelques temps. À Jérusalem, la mosquée Al-Aqsa a récemment été le théâtre de violents affrontements entre Palestiniens et militaires israéliens ; des tirs de roquette ont suivi, de Gaza et du Sud-Liban vers Israël. Avec la coïncidence des fêtes de Pâques, de Pessah et du Ramadan, la tension est extrême, surtout dans la Ville sainte, et les services de sécurité israéliens sont sur les dents.
Limitations à la cérémonie du Feu sacré
Mais c’est une autre restriction imposée par Israël qui a suscité les plus vives réactions parmi les chrétiens, puisqu’elle touche directement à la très importante cérémonie du Feu sacré, point d’orgue de la Semaine sainte des orthodoxes. Cette année, seuls 1.800 fidèles et 200 policiers seront autorisés à accéder au Saint-Sépulcre, où elle se déroule. Ainsi en a décidé la police, qui rappelle les risques sécuritaires inhérents à ce genre de rassemblement et invoque, pour rappel, la bousculade ayant causé la mort de 45 personnes lors d’un pèlerinage juif au mont Meron, en 2021.
L’année dernière déjà, Israël avait initialement fixé à 1.000 le nombre de participants à la célébration chrétienne, avant que la Cour suprême ne le contraigne à élever ce chiffre à 4.000. Ce qui n’avait pas empêché plusieurs escarmouches entre fidèles locaux et forces de l’ordre israéliennes, qui avaient hérissé de barrages les abords de la basilique.
Des restrictions jugées "déraisonnables"
Chaque année, et depuis des siècles, des milliers de chrétiens de Terre sainte et du monde entier accourent à Jérusalem le Samedi Saint, emplissant les ruelles de la vieille ville, s’entassant dans le Saint-Sépulcre dans l’attente du "miracle". En effet, selon la tradition, une flamme jaillit à l’intérieur de la tombe vide du Christ ; le patriarche grec-orthodoxe allume alors des cierges et la lumière est transmise à toutes les personnes présentes, dans une atmosphère indescriptible de joyeux chaos.
À l’unisson, les confessions-gardiennes du Saint-Sépulcre – catholique latine, grecque orthodoxe et arménienne apostolique – se sont insurgées contre des restrictions jugées "déraisonnables" et, selon elles, absolument pas nécessaires. Leur message est clair : la cérémonie se tiendra comme prévu et tous les fidèles qui le désirent sont invités à s’y joindre.
Les chrétiens sous pression
Reste que de telles mesures, qui épargnent les fêtes juives et musulmanes, sont perçues comme un acharnement et qu’elles ne sont pas de nature à apaiser les craintes des chrétiens, en butte à des attaques qui se sont multipliées depuis le début de l’année. Au mois de janvier, des tombes du cimetière anglican ont été vandalisées ; quelques jours plus tard, des graffitis injurieux et menaçants ont été découverts sur les murs du quartier arménien avant qu’un groupe de jeunes nationalistes juifs ne s’en prenne aux clients d’un restaurant arménien. En février, une statue du Christ a été vandalisée au couvent franciscain de la Flagellation, sur la Via Dolorosa. Le mois suivant, un homme armé d’une barre de fer a interrompu l’office dominical au Tombeau de la Vierge.
La hiérarchie chrétienne a non seulement déploré l’inquiétante banalisation de ces actes anti-chrétiens, mais aussi l’absence de réaction forte de la part des autorités, pointant avec gravité le danger existentiel qui menace la présence chrétienne à Jérusalem.
Concluant la procession des Rameaux, dimanche 2 avril, le patriarche latin de Jérusalem, Mgr Pierbattista Pizzaballa s’est employé à encourager les fidèles ébranlés par ces attaques :
Nous ne devrions pas avoir peur de ceux qui veulent nous diviser. Ils n’y parviendront pas car la Ville sainte a toujours été et restera une maison de prière pour tous les peuples. (…) Dans le cœur des chrétiens de Jérusalem, il n’y a pas de place pour la haine et le ressentiment (…) La Croix du Christ est notre fierté, elle est la mesure de l’amour que Dieu a pour nous... Nous la porterons dans les rues de la Ville sainte.