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Le Conseil national de la refondation, une déconstruction démocratique ?

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Xavier Patier - publié le 09/06/22
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Pour l’écrivain Xavier Patier, le Conseil national de la refondation imaginé par Emmanuel Macron s’inscrit dans une entreprise de déconstruction du pouvoir élu et des corps constitués. "Il ne s’agit plus de réanimer nos organes démocratiques, mais de les dévitaliser."

En politique comme en médecine, il arrive un moment où l’on vous explique que le malade "n’est plus opérable" : il faut se résoudre au fatalisme en laissant les clefs du destin à un expert dépassé. Avec le Conseil national de la refondation, Emmanuel Macron juge que le système politique français n’est plus opérable : il avoue qu’il considère nos institutions républicaines comme incapables de répondre aux défis du moment. Il reconnaît tacitement qu'il est dépassé. 

Des conseils tirés au sort

Ce n’est pas la première fois : nous avions eu droit, après la crise des Gilets jaunes, à un "Grand débat national" lancé par le président de la République à partir de "réunions d’initiative locale", c’est-à-dire en dehors de la représentation parlementaire. Ce grand débat tourna au fiasco. Qu’à cela ne tienne : quelques mois plus tard, nous avons eu droit à une "Convention citoyenne pour le climat", une fois encore destinée à fonctionner en dehors des institutions. Une fois encore, et comme il était prévisible, l’affaire tourna au fiasco. 

Jamais deux sans trois. Voici à présent le Conseil national de la refondation. Qu’est-ce que ce nouveau conseil ? Il consiste à mettre autour d’une table des militants associatifs, des "forces politique, économiques, sociales" et, gage de modernité, des "citoyens tirés au sort", procédure de sélection assurément préférable à l’élection, quand il s’agit de concevoir et suivre les grandes réformes, bref, quand il s’agit de politique. Comble d’ironie, le projet est annoncé en pleine campagne électorale législative, comme si l’on voulait convaincre les lecteurs encore hésitants qu’il est décidément inutile de se déplacer vers les urnes : avec Emmanuel Macron, ce n’est plus au Parlement que les choses désormais se joueront. La République, les corps intermédiaires, les élus, les préfets, les diplomates, les collectivités locales, les députés, les sénateurs, les syndicats, c’est de la vieille politique. Mieux vaut des conseils tirés au sort statuant sur des préconisations de McKinsey. Avec ce nouveau conseil, le Président de la République renonce à garantir le "fonctionnement régulier des pouvoir publics", tâche qui était pourtant sa première mission et sa plus haute responsabilité, exprimée par l'article 5 de notre Constitution.

La déconstruction du pouvoir élu

Au vrai, ce Conseil national de la refondation est un Conseil national de la déconstruction. Il poursuit l’œuvre de liquidation des structures et des repères de la Nation engagée depuis des décennies et singulièrement accélérée depuis cinq ans. Quelque part entre les « comités Théodule » destinés à enterrer les projets, et les assemblées générales des Premières années où convergent les chahuts d’étudiants, le Conseil national de la refondation sera à la fois cause et conséquence du discrédit des corps constitués. Il n’apportera que des frustrations. Le fiasco est prévisible annoncé. 

Les missions de tout poil, les agences, les "autorités" ont contourné nos administrations centrales en les doublonnant. Le cœur régalien de l'État est démoralisé, dévitalisé, discrédité.

Cela fait déjà pas mal de temps qu’au fils des lois, des décrets et des circulaires, on brise la colonne vertébrale de notre nation. Les missions de tout poil, les agences, les "autorités" ont contourné nos administrations centrales en les doublonnant. Le cœur régalien de l'État est démoralisé, dévitalisé, discrédité. Les nombreuses réformes constitutionnelles des trente dernières années ont eu pour effet (et en réalité pour objet) de déconstruire la légitimité du pouvoir élu dans les urnes et des administrations qu'elles commandent au profit du pouvoir des juges, et notamment du juge constitutionnel qui est devenu, à rebours des intentions de 1958, une sorte de super législateur ; et aussi en nous mettant sous la coupe d’injonctions concoctées par la technostructure européenne sans que nous ayons eu à en débattre. Ces réformes ont aussi, au fil des ans, affaibli le pouvoir du Parlement au profit d'autorités dites "indépendantes", et qualifiées ainsi pour la seule raison qu’elles n’étaient pas élues, et donc point susceptibles d’éveiller le soupçon. 

Aux pieds du génie

Ne nous étonnons pas que tout ce qui est institutionnel soit désormais considéré comme partial. Ne nous étonnons pas que nos concitoyens aient perdu leurs repères. Ne nous étonnons pas que les vocations politiques soient devenues si rares. Avec le Conseil national de la refondation, dont l’intitulé semble faire référence au Conseil national de la Résistance — né à une époque de vacance constitutionnelle, alors que le territoire national était occupé et soumis à l’autorité d’un pouvoir de fait — se trouve incarnée l’idée que nos organes démocratiques sont des morts-vivants. Il ne s’agit plus de les réanimer, mais de les dévitaliser. Idée neuve et pourtant déjà vieille. 

Quand les occupants du château n’ont plus les épaules assez larges, ni l’esprit assez solide, pour y vivre, ils construisent à côté de lui une petite maison plus facile à chauffer. La médiocrité offre plus de confort que la grandeur. Chateaubriand l’avait déjà noté à la fin de l’Ancien Régime : on ne savait plus réparer le cœur du système, on bricolait à côté. S’agissant de la pensée des Lumières comparées à la pensée du Grand Siècle, disait-il, "on croit voir les ruines de Palmyre, restes superbes du génie et du temps au pied desquels l’Arabe du désert a bâti sa misérable hutte". Grand débat, Convention citoyenne, Conseil national : misérables huttes bâties aux pieds des ruines du génie républicain.

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