À peine arrivé sur le siège de saint Pierre, en 2005, Benoît XVI décide de ne plus présider systématiquement les béatifications à Rome. Durant tout le pontificat de son prédécesseur, saint Jean Paul II, ces célébrations sur la place Saint-Pierre ont pourtant attiré des foules de tous les continents dans la Ville éternelle. Certes, quelques béatifications ont été célébrées dans les diocèses – comme Frédéric Ozanam en 1997 à Notre-Dame de Paris durant les JMJ – mais c’était le Pape qui les présidait. Désormais, celles-ci ont lieu dans un diocèse lié à la vie du bienheureux.
Une telle résolution n’est pas anodine et a plusieurs sens. D’abord pour une raison théologique. Elle permet de mieux exprimer la différence entre la canonisation et la béatification. La première rend le culte du saint proclamé universel – comme Charles de Foucauld le 15 mai dernier – et met en jeu toute l’autorité de l’Église puisque la décision est définitive.
La sainteté n’est pas quelque chose de désincarné mais une réalité qui se vit dans le quotidien, dans des lieux connus et pourtant transfigurés par une vie simple mais charitable.
En d’autres termes, elle met en jeu le Magistère solennel du Pape. La seconde est d’une autre nature : la béatification est l’autorisation par le Saint-Père qu’un culte local soit rendu à celui qui est concerné. Ainsi, à partir de dimanche 22 mai, dire une messe avec des oraisons spécifiques pour Pauline Jaricot sera possible. Cette décision n’engage pas l’autorité de Rome.
Un événement pastoral
Ensuite, le pape Benoît XVI a voulu, par sa résolution de célébrer dans les diocèses les béatifications, donner aux Églises locales la possibilité de s’emparer davantage de la spiritualité du nouveau bienheureux et en faire un vrai événement diocésain qui soit source d’encouragement pour les chrétiens et occasion d’évangéliser. La béatification de Pauline Jaricot, qui a fondé les Œuvres pontificales missionnaires (OPM), permet ainsi au diocèse de Lyon de vivre une "grande communion" selon son archevêque, Mgr Olivier de Germay.
Béatifier un homme ou une femme au plus proche des lieux qui ont été marqués par sa présence rappelle aussi opportunément que la sainteté n’est pas quelque chose de désincarné mais une réalité qui se vit dans le quotidien, dans des lieux connus et pourtant transfigurés par une vie simple mais charitable. Au fond, c’est une forme de catéchèse pratique.
Le souci de synodalité
À la raison pastorale qui vient d’être exprimée est liée une troisième raison plus ecclésiologique. Célébrer les béatifications dans les diocèses permet aussi de rappeler l’importance des Églises locales : si l’évêque de Rome reste le garant de l’unité de l’Église, les évêques ont aussi une autorité qui leur vient des apôtres et qu’ils exercent conjointement avec tous leurs frères évêques.
C’est d’ailleurs le sens de certaines réformes voulues par le pape François et qui se trouvent dans la constitution Praedicate evangelium. Ce texte, qui entre en vigueur le jour de la Pentecôte, cherche en effet à rééquilibrer les pouvoirs dans l’Église et en confère davantage aux conférences épiscopales et aux évêques. C’est pour ce même souci de collégialité que se tiendra à Rome en 2023 le Synode sur la synodalité.
Pour autant, l’autorité légitime pour statuer sur les béatifications restent la Congrégation pour la cause des saints et le Saint-Père qui signe les décrets. C’est le sens de la venue, pour toute béatification, d’un représentant du Pape nommé pour présider la célébration. Dimanche 22 mai, ce sera le cardinal Tagle, préfet de la Congrégation pour l’Évangélisation des peuples.