Le vote catholique n’existe pas au sens où aucune « consigne de vote » n’est donnée aux catholiques, mais il existe des critères de discernement qui peuvent les aider à apprécier les circonstances dans lesquelles leur choix va s’exercer et discerner ce qui leur paraît prioritaire… ou dangereux. En 2022, les évêques de France avaient donné leurs conseils sur quelques orientations politiques à privilégier pour éclairer son choix électoral, dans le document L’espérance ne déçoit pas. Cette année, les évêques se sont limités à une analyse de la situation, et à appeler les catholiques à la prière.
Le vote s’inscrit toujours dans le cadre de la responsabilité politique des catholiques (Lumen gentium, 31-32). Dès lors, leur vote, qui n’épuise en aucune manière leurs devoirs civiques comme s’il suffisait de voter pour servir la cité des hommes, ne peut pas ignorer les exigences éthiques de leur choix, soumis à la fois aux lois de la raison et à leur vocation de baptisé.
Ainsi, le chrétien peut comprendre qu’il y a deux manières de voter : de manière subjective, en se faisant plaisir, ou de manière objective, pour le bien commun. Le vote ne décide pas du bien et du mal, et voter seulement pour exprimer une opinion, une humeur ou un désir peut avoir des effets contraires au bien commun. Comment donc placer son vote dans une vision de la politique et de sa responsabilité sociale chrétienne ? En dehors des priorités politiques du moment, voici dix éclairages qui peuvent aider à construire son choix :
1/ La politique n’est pas le tout de l’existence humaine.
Le bonheur commun d’une société ne se résume pas à ses lois, ses institutions ou ses règles de fonctionnement.
2/ L’engagement politique du chrétien ne se prend pas pour Dieu.
L’espérance du chrétien n’est pas de ce monde, elle n’est donc pas politique. Sa mission est de faire le bien (Jr 29, 5-7), même en milieu hostile, et de libérer la politique de ses idolâtries.
3/ Les catholiques sont unis sur les principes, mais peuvent diverger sur les moyens et les stratégies.
Les principes fondateurs d’une société libre (respect absolu de la vie et de la dignité de la personne humaine, liberté religieuse, de conscience et d’éducation, protection du mariage et de la famille, défense des plus faibles, économie au service de la personne et du bien commun, paix fondée sur la justice…) sont non-négociables et indissociables (Note doctrinale de la Congrégation pour la doctrine de la foi, 2002, n. 4), mais leur mise en œuvre est par nécessité soumise à plusieurs options possibles, en raison de la contingence des faits et de la liberté humaine.
4/ La politique est le lieu d’une action collective imparfaite.
« C’est le compromis lui-même qui constitue la véritable morale en matière politique » (J. Ratzinger, Église, œcuménisme et politique, 1987).
5/ Le but de la politique est le bien commun présent, pas un idéal futur.
Le premier acteur du bien commun est la société civile. En agissant dans le cadre de ses communautés de vie (familiale, associative, communale, professionnelle…), nous participons effectivement au bien commun.
6/ Les premières conditions du bien commun sont la paix sociale et la vertu des citoyens
L’unité sociale doit constituer le premier but du responsable politique (cf. Thomas d’Aquin, De Regimine, I, 2).
7/ Le vote n’est pas l’expression d’une opinion ou d’un désir, c’est un acte politique qui engage le bien commun.
Comme tout choix, c’est aussi un renoncement, qui appelle le courage de l’imperfection.
8/ Le candidat est choisi en conscience.
Le jugement de la conscience est précédé par le jugement de la prudence (CEC, 1780), car il s’agit de choisir le moyen concret d’atteindre réellement le meilleur possible.
9/ Le candidat est choisi en fonction des circonstances du moment pour son efficacité politique en vue du bien commun actuel.
Tout choix électoral légitime se mesure à son impact direct ou indirect sur le bien commun présent.
10/ Le candidat est choisi selon des critères politiques.
Parmi ses critères : sa personnalité (moralité, liberté, expérience, compétence) et sa pensée politique, sachant que les programmes sont toujours appelés à évoluer, et que la pensée demeure là où les promesses fluctuent. Enfin les moyens politiques du candidat (appartenance partisane, composition de son électorat, capacité de rassemblement) sont décisifs, car on vote moins pour un individu que pour la capacité d’une personne à agir au bénéfice du bien commun. Un homme prisonnier de son parti ou d’une coalition politique n’est pas maître de sa conscience. Un homme seul est condamné à échouer ou à desservir ses projets s’il n’est pas en mesure de les mettre en œuvre.