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Législatives : nul n’est une île !

Vue aérienne d'un archipel en Finlande.

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Michel Cool - publié le 16/06/24
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Quand le paysage extérieur s’épuise dans les désunions et les dissensions, observe notre chroniqueur Michel Cool, la vie spirituelle a cette vertu d’unifier notre paysage intérieur pour résister à la tentation de faire sécession du reste du monde.

« Nul n’est une île. » J’ai longtemps compris ces mots de Thomas Merton, célèbre moine américain et auteur spirituel des années soixante, comme une exhortation à vivre coûte que coûte la fraternité et la communion. L’image utilisée est en effet évocatrice : l’insularité est synonyme de séparation, d’isolement et au fond d’indifférence à tout ce qui environne. Ce qui sépare une île d’une autre, c’est la mer. Rien ne les relie entre elles si on ne construit pas des ponts ou si on n’organise pas des navettes régulières de bateaux.

« Nul n’est une île » est un avertissement, poétiquement résumé en une poignée de mots, lancé contre nos tendances humaines, contre nos penchants naturels à nous individualiser, à nous éloigner et à nous confronter les uns aux autres. Le pire atavisme de notre condition humaine est la capacité que nous avons à faire parfois sécession du reste du monde pour nous comporter en îles détachées les unes des autres. Cela donne le spectacle hallucinant d'un archipel d'individualités et de groupes dissociés partant à la dérive. Un peu comme des icebergs dérivant à la fonte des glaces...

Un vent mauvais

« Nul n’est une île. » C’est pourtant le contraire que je ressens en regardant mon pays depuis la soirée électorale du 9 juin. Il ressemble à une île coupée du reste de la planète, empêtrée dans ses répulsions et ses règlements de compte internes. Le son et les images de nos écrans sont focalisés sur les saucissonnages et les marchandages électoraux dans lesquels s’adonne le régime des partis enfin remis en selle et tout enivré par son « éternel retour ». Les mariages entre la carpe et le lapin cartonnent et sont célébrés en toute hâte sans complexe. Il souffle sur la « morne plaine » de notre paysage politique depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, non seulement un vent mauvais, mais une atmosphère délétère de quatrième République, ou de sixième — mais c’est la même prônée par l’extrême-gauche. Ce flash-back n’est pas de bon augure pour la France. Il fait redouter une instabilité chronique, une absence de majorité parlementaire et une paralysie institutionnelle de notre nation. 

La vie spirituelle a cette vertu d’unifier notre paysage intérieur quand celui à l’extérieur s’épuise dans les désunions et les dissensions. Dire cela n’est pas diaboliser le monde. C’est bien plutôt résister à la facilité de fusionner avec l’éclatement de son environnement.

«  Nul n’est une île. » D’où me vient ce sentiment intérieur que je suis moi aussi une île depuis le séisme politique de dimanche dernier ? Je ne dois pas être seul à souffrir de cette soudaine crise d’insularité. Beaucoup de Français ne se retrouvent pas, comme moi, dans le monde de Yalta que les deux camps, situés foncièrement à droite et à gauche de l’échiquier politique, souhaitent instaurer à l’issue des élections législatives. Beaucoup de Français ne souhaitent pas à la fois la « bardellisation » du gouvernement et la « bordélisation » du parlement. Beaucoup de Français n’envisagent pas que leur pays puisse faire fuir les investisseurs étrangers et baisser la garde face aux visées militaires et impérialistes de Vladimir Poutine. Beaucoup de Français ne veulent pas d’une importation en France de la guerre au Moyen-Orient par la faute de politiciens versant dans un antisémitisme éhonté et un sectarisme virulent. Beaucoup de Français n’imaginent pas que leur pays puisse devenir une « île » moins fréquentable et à la remorque. Une petite île face aux grands empires. 

Chercher la lumière

« Nul homme n’est une île, entière en elle-même ; tout homme est un morceau du continent, une partie de l’ensemble » écrivait Merton. La vie spirituelle a cette vertu d’unifier notre paysage intérieur quand celui à l’extérieur s’épuise dans les désunions et les dissensions. Dire cela n’est pas diaboliser le monde. C’est bien plutôt résister à la facilité de fusionner avec l’éclatement de son environnement. C’est même résister à sa diabolisation personnelle. La division, rappelons-le, est la bombe à fragmentation du diable. « Bienheureux les fêlés, car ils laisseront passer la lumière. » Cette autre citation attribuée au cinéaste Michel Audiard peut faire sourire. On peut aussi la lire comme un remède spirituel pour soigner sa vulnérabilité d’homme ou de femme appartenant à un tout, une société, un pays, un continent, une terre souvent en proie à des bouleversements.

Pour combattre ce sentiment d’être une île livrée aux déstabilisations, il faut chercher inlassablement à faire la lumière en soi en priant sans relâche. Il faut aussi protéger cette lumière retrouvée en résistant au grand jour contre tout ce qui peut tenter de l’éteindre, comme par exemple laisser la politique sous l’emprise de la violence du mensonge et de l’intolérance. Prier et résister, car « nul n’est une île ».

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