Jamais la santé de François n’aura été autant commentée que durant cette neuvième année de pontificat. Il faut dire qu’en pleine pandémie de Covid-19, le chef de l’Église catholique, qui a fêté ses 85 ans en décembre dernier, a montré de réels signes de fatigue et a subi une très lourde opération. Au cours de l’été, il a en effet été hospitalisé pendant dix jours pour une intervention chirurgicale au côlon – pendant laquelle 33 centimètres d’intestin lui ont été retirés.
Naturellement, cette première hospitalisation du pontificat a généré bon nombre de rumeurs et spéculations quant à une possible renonciation. "Chaque fois qu’un pape est malade, il y a toujours une brise ou un ouragan de conclave", a pourtant relativisé le pape François dans un entretien fin août. Son déplacement à Budapest et en Slovaquie en septembre, puis le voyage à Chypre et en Grèce en décembre ont par la suite contribué à calmer les esprits.
Mais ces dernières semaines, c’est un autre souci de santé qui a conduit François à annuler certains rendez-vous importants, dont un déplacement à Florence. Le douzième pape le plus âgé de l’histoire souffre du genou et ne peut plus cacher sa difficulté à marcher. Son prochain voyage à Malte début avril et celui en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud en juillet seront des indicateurs importants de son état de forme.
2Une année de turbulences dans les dicastères
La 9e année du pontificat du pape François aurait pu être celle de la publication de la Constitution apostolique censée réformer la Curie. Alors que cette dernière est toujours en relecture, certaines résistances et difficultés sont cependant apparues dans les nouvelles structures établies ces dernières années par François.
Dans le "méga-dicastère" qu’il a créé, celui "pour le service du développement humain intégral" (DSHUI), la fin d’année s’est avérée compliquée. Le cardinal Turkson a ainsi été remplacé par le cardinal Czerny en tant que préfet intérimaire ; un changement de tête présenté comme anodin par le Saint-Siège, mais qui a révélé un réel malaise interne.
Une autre entité essentielle de l’appareil de la Curie a également été secouée ces derniers mois : le Dicastère pour la communication, qui compte plus de 500 employés. Lors d’une visite mémorable de ses locaux, le Pape a ouvertement remis en cause l’efficacité des médias du Vatican, suscitant un fort émoi au sein du personnel et des interrogations sur le processus de réforme engagé en 2015.
3Troubles judiciaires et difficultés financières
L’année a aussi été marquée par l’ouverture en juillet du procès de l’immeuble de Londres, qui doit juger les responsabilités de dix personnes – dont un cardinal très proche du pontife, Angelo Becciu – dans les différents volets du plus grand scandale financier du pontificat de François.
Ce procès, pendant ses six premiers mois, s’est avéré une dure mise à l’épreuve des réformes engagées par François pour la modernisation de la justice vaticane. La compétence et la légitimité de cette dernière ont été mises en cause à de nombreuses reprises au cours des premières audiences. Si cet écueil semble être surmonté désormais, la capacité de la petite structure judiciaire vaticane mise en place par François pour "nettoyer les écuries d’Augias" reste encore à démontrer.
Dans ce procès, c’est aussi la crédibilité morale de l’Église catholique qui semble en jeu. Le grand écart entre les exhortations franciscaines du pape contre la finance globalisée et les dérives mafieuses observées au plus près du trône de Pierre paraît de fait difficilement tenable. Et ce d’autant plus que le Saint-Siège traverse une passe difficile économiquement.
Présentant, en janvier dernier, un budget 2022 en déficit, le Saint-Siège continue de serrer la vis sur les dépenses. La baisse des dons mais aussi des revenus en raison de la pandémie – et notamment de la fermeture des Musées du Vatican – est une épine dans le pied de François, qui souhaite toujours orienter le Saint-Siège vers une plus importante efficacité caritative et missionnaire.
4Fratelli tutti à l’épreuve de la guerre
Un an après la visite historique du pape François en Irak, qui semblait porter les fruits de l’encyclique Fratelli tutti, montrant la force du dialogue interreligieux dans un pays traumatisé par les divisions, c’est en Europe que le Pape s’est trouvé face à une guerre d’une ampleur inattendue. Depuis la fin du mois de février, l’offensive russe en Ukraine a bouleversé la géopolitique mondiale, mais aussi fragilisé les efforts d’ouverture œcuménique du pape François en direction de l’orthodoxie russe.
Dans l’ensemble de ses prises de parole, François a néanmoins évité les critiques frontales contre la Russie, afin de garder de potentiels canaux de contact diplomatique. Sa visite surprise à l’ambassade de Russie, le 25 février, demeure l’un des gestes les plus marquants depuis le début de la crise. Tout en tentant de garder une position médiane, le Saint-Siège insiste notamment sur la sécurisation des couloirs humanitaires pour les civils fuyant les combats.
5Fermeté avec les traditionalistes
Bien qu’attendue depuis plusieurs mois, la publication du motu proprio Traditionis custodes durant l’été a provoqué un choc – suscitant des réactions entre incompréhension et colère – dans la sphère traditionaliste. Avec ce texte encadrant désormais drastiquement la célébration de la messe tridentine, il faut désormais désigner cette dernière sous le nom de "vieux rite" et non plus de "forme extraordinaire".
Une mesure que François a prise, en revenant sur les dispositions d’ouverture adoptées sous Benoît XVI, pour éviter que l’opposition à Vatican II ne se cristallise dans une dissidence liturgique. Néanmoins, la fermeté du pontife sur les principes a fait place par la suite à une forme de souplesse pastorale, quand il a décidé en février d’octroyer une exception à la Fraternité Saint-Pierre.
6Le fléau des abus
Cette année n’a pas été épargnée par le fléau des abus : elle a été marquée par le choix fait par de nombreuses conférences épiscopales de commanditer des audits externes pour enquêter dans leurs diocèses. Deux rapports ont fait grand bruit, soulignant l’ampleur de la crise actuelle : en France, celui de la Ciase – ou "rapport Sauvé" – et en Allemagne le rapport de l’archidiocèse de Munich-Freising. Dans ce dernier, les enquêteurs n’ont pas hésité à remettre en question la gestion de certains cas par le pape émérite Benoît XVI à l’époque où il était à la tête de l’archidiocèse bavarois.
Le Saint-Siège n’est pas resté inactif, le pape François présentant une nouvelle version du Livre VI du Code de droit canonique, sur les peines, afin de renforcer son arsenal judiciaire contre les abus. En janvier, il a aussi exhorté la Congrégation pour la doctrine de la foi à "rendre justice" aux victimes d’abus en appliquant la législation avec "rigueur".