3 questions à Jean-Marie Andrès, président de la Confédération nationale des Associations Familiales Catholiques (AFC)
Aleteia : Dans quelques mois aura lieu en France l’élection présidentielle. Quelles sont les mesures que le futur président devrait absolument mettre en place ?
Jean-Marie Andrès : Selon moi, il y a deux axes. Le premier découle de l’état très difficile dans lequel se trouve la France. Il y a de forts clivages entre les communautés, entre ceux que l’on appelle progressistes et les conservateurs, la droite et la gauche… Ces clivages ont bien sûr puisé leurs racines dans l’imposition du mariage pour tous à la moitié des Français. Une des grosses problématiques en France, c’est la division. Mais il y a aussi la situation économique de la France. Je pense qu’on n’en prend pas la mesure. Le futur président ne devra plus ignorer ces problèmes, comme ce fut le cas ces 30 dernières années. En France, il ne faut faire de peine à personne, donc on ne traite pas les problèmes. J’attends donc du futur président qu’il montre une détermination très forte, qu’il prenne de front les problèmes.
Alors, bien sûr, aux AFC on a des préoccupations de nature familiale, je pourrais vous en citer des dizaines. Mais, plus généralement, le problème est cette incapacité au changement. Les gouvernements sont incapables de dire aux Français qu’il va falloir faire des efforts. Le futur président doit être capable de montrer que derrière des évolutions fortes, des changements que l’on doit faire tous ensemble, il y aura un mieux vivre. Aujourd’hui, le système politique monte les Français les uns contre les autres, les parents contre les profs, les patrons contre les employés, les catholiques contre les athées… Tout est question de dialectique, et en conséquent, on a un climat insurrectionnel. De toute façon, soit on est capable de dire oui au changement, de grosses évolutions pour des fruits positifs, soit on favorise le populisme. Le futur président doit être capable de donner de la crédibilité à un avenir meilleur, alors que les Français pensent que ce n’est pas possible. Le débat politique actuel stigmatise les risques pour attirer les votes. Mais, au contraire, le président doit être un homme de synthèse. Et la politique familiale s’insère dans ce contexte. Nous avons l’habitude de dire que la première politique familiale, c’est celle du plein emploi.
Quel serait donc selon vous le président idéal, celui ou celle qui mettrait en œuvre toutes ces mesures ?
J’imagine un mélange entre Saint-Louis et Henri IV, un type avec des principes très solides, mais également un réalisme considérable. Saint-Louis, c’est quand même l’homme des maisons closes. Pour lui, la prostitution était moralement insupportable, mais pour le bien des prostituées, la maison close était un progrès. Comment est-ce qu’un homme, qui avait les principes qu’on imagine, est capable malgré tout de défendre un dossier que les plus purs d’aujourd’hui ne voudraient même pas toucher du bout du doigt ? Il faudrait un Saint-Louis qui à la fois montrerait des convictions en acier blindé, et qui serait capable de prendre les problèmes pour faire des progrès concrets. À ce titre-là, il ressemble aussi un peu à Henri IV. C’est lui qui a réussi à remettre un peu de baume au cœur des Français avec la poule au pot. Ces deux monarques ont une qualité incroyable, c’est d’être ancrés dans le réalisme et dans la vie du quotidien. Ça fait un peu Ancien Régime, mais la démocratie porte en elle un risque populiste. Comme on dépend de son électeur, on a tendance à favoriser ce qui lui ferait plaisir plutôt que ce qui lui ferait du bien.
Quels sont, selon vous, les points qui doivent retenir l’attention des chrétiens dans les programmes et débats de la prochaine élection présidentielle ?
De mon point de vue, on ne fera pas avancer la France si ça ne coûte pas à tout le monde. Les programmes faciles, les programmes « changeons tout et c’est les autres qui vont payer » sont très dangereux. Il faut être très attentif au langage de la campagne, principalement sur les changements sociétaux : les lois sur la bioéthique, la PMA, le mariage pour tous… Il faut impérativement arrêter les soi-disant progrès ou les promesses d’un retour en arrière. Alors oui, aux AFC on est contre les lois sur le divorce, les lois sur l’avortement, nous sommes très inquiets sur l’euthanasie, mais tout détricoter et retricoter en permanence, ce n’est pas possible. Il faut arrêter d’imposer, par de courtes majorités, des évolutions aussi importantes pour la société.
Propos recueillis par Margot Vignaud.