Mauvais gagnant, Ali Bongo raffle le scrutin et pilonne ses adversaires.
“J’ai quitté [le quartier général de campagne] quelques heures avant l’attaque. Ali Bongo pensait que j’y étais encore. Je ne croyais pas qu’il oserait faire ça, c’est inimaginable.” Jean Ping, le candidat malheureux à l’élection présidentielle gabonaise, visé personnellement, ne cache pas sa colère : “Personne n’est plus en sécurité au Gabon. Nous avons un tyran qui tire sur sa population”.
L’histoire se répète à Libreville. En août 2009 déjà, des troubles avaient agité le pays après l’élection d’Ali Bongo avec un peu plus de 40% des voix face à une opposition en ordre dispersé. L’élection du président au Palais du bord de mer se joue en effet au scrutin majoritaire uninominal à un tour. Le 31 août 2016, des violences ont éclaté une fois de plus à la suite de l’annonce des résultats électoraux.
La commission électorale (Cenap) a annoncé, après 24h de tergiversations, la réélection du président sortant, Ali Bongo Ondimba, pour un deuxième septennat avec 49,80% des suffrages, devant Jean Ping (48,23%), ancien président de la Commission de l’Union Africaine et ancien ministre des Affaires étrangères de feu Omar Bongo, le père d’Ali.
Une élection “exemplaire”
Dans ce petit pays pétrolier, d’à peine 1,8 millions d’habitants, l’écart entre les deux adversaires s’établit à 5 594 voix, sur un total de 627 805 inscrits. Le président réélu s’est félicité d’une élection “exemplaire”, estimant qu’elle s’était déroulée “dans la paix et la transparence”. Son principal opposant ne l’entend pas de la même oreille et dénonce des fraudes massives. Le taux de participation frise par exemple les 100% dans la province du Haut-Ogooué, où le président sortant s’impose avec 95,46% des voix et 65 073 bulletins d’avance sur son adversaire. L’opposition évalue le bourrage d’urnes à 40 000 bulletins, de quoi garantir au président Bongo une avance salutaire dans un ballotage hautement défavorable.
En 2009 déjà, la participation à 65% du corps électoral de la province avait fait tiquer l’ambassadrice américaine de l’époque, nous apprend Libération, s’appuyant sur un câble révélé par WikiLeaks.
Le camp de Jean Ping était pourtant assuré de l’emporter après la publication par les gouverneurs des résultats de huit provinces sur les neuf que compte le pays. “Il avait, à ce stade, une avance officielle de 65 000 voix sur Ali Bongo. Arrivés en retard ou livrés dans la confidentialité, seuls les résultats du Haut-Ogooué, province d’origine du candidat-président, pouvaient permettre de combler ce fossé”, rapporte le site d’information Gabonreview. Jean Ping réclame ainsi que le décompte soit fait bureau par bureau et que “la vérité des urnes apparaissent sous la supervision de la communauté internationale”.
L’opposition bombardée par hélicoptère
Dans la soirée du 31 août, l’Assemblée nationale a été partiellement incendiée par des manifestants. En réaction à ces débordements, la police et des forces de la garde présidentielle ont encerclé le QG de l’opposition, lequel a été bombardé par hélicoptère dans la nuit du 1er septembre, aux environs d’une heure du matin. “Nous déplorons deux morts et plusieurs blessés”, a affirmé Jean Ping au micro de France 24. “Ce scénario se répète depuis 50 ans ! L’opposition gagne toujours les élections mais n’accède jamais au pouvoir par les mêmes procédés qui sont utilisés par un clan”, a-t-il ajouté dénonçant “la logique familiale” avec laquelle fonctionne le système en place.
Une logique familiale dont Jean Ping fut le témoin direct et qu’il dénonçait avant le décès de l’ancien homme fort du Gabon. Il fut en effet marié à Pascaline, la fille aînée d’Omar Bongo, et s’était opposé à la candidature de son ex-beau-frère Ali, à la succession du patriarche. Jean Ping a d’ailleurs engrangé très tôt dès l’issue du scrutin le soutien de nombreux membres de son ancienne famille, dont Christian Bongo Ondimba, demi-frère d’Ali et ancien dirigeant de la Banque gabonaise de développement ou Hirmana Loïse Sassou Nguesso, une autre fille du défunt Président.