Si l’on comptait sur la trêve estivale pour faire baisser les tensions, c’est raté : quelques burkinis entraperçus sur des plages ont enflammé les esprits. C’était le but !On a prié pour la France en union avec le père Jacques Hamel dans les églises de France, le lundi 15 août, tout particulièrement dans la cathédrale de Rouen où les fidèles étaient “deux fois plus nombreux que d’ordinaire (…) touchés par la mobilisation suscitée par l’appel de leur archevêque” constate La Croix : “Si certains reconnaissent “avoir peur”, les chrétiens présents pour l’Assomption, pratiquants réguliers ou occasionnels, veulent voir dans les récents événements une “invitation à espérer””. Certains ont également répondu à l’invitation de Mgr Dominique Lebrun en participant à un pèlerinage jusqu’à la basilique de Notre-Dame de Bonsecours, avant de prier sur la tombe du P. Jacques Hamel, assassiné deux semaines plus tôt.
Mort pour les prêtres “à la tête de la mécréance”
Cet assassinat entre clairement dans la stratégie de l’État islamique, souligne Le Point : “Pour les djihadistes, les prêtres “à la tête de la mécréance” doivent être tués”. Les terroristes et leurs sympathisants s’appuient sur des textes islamiques de différentes époques que la société suisse d’analyse stratégique JMF Recherches et Analyses a retrouvés sur les réseaux sociaux, et que résume le site Terrorisme.net : ainsi l’iman Taqî ad-Dîn Ahmad Ibn Taymiyya (1263-1328) considérait que “les prêtres doivent être spécialement visés en cas de guerre” tandis que Muhammad Amin Ibn Abidin (1783-1836) faisait une différence entre le moine et le prêtre : “Le moine dans son monastère ne doit pas être tué ni les gens des églises qui ne côtoient pas les gens extérieurs à l’église”, écrivait-il, “Mais s’ils les côtoient, alors ils sont tués comme le prêtre”, ajoutait-il. “Certains islamistes, durant la guerre civile algérienne, avaient ainsi pu justifier l’assassinat des moines de Tibhirine, commente Le Point. Même s’ils ne faisaient pas de prosélytisme, les religieux côtoyaient les villageois, allant même jusqu’à les soigner…”
De fait, constate Aleteia, Dabiq, le magazine de Daesh titre son numéro de juillet 2016 : “Break the cross” (Briser la croix) et consacre un article à expliquer au pape : “Pourquoi nous vous haïssons et pourquoi nous vous combattons”… Le crime des chrétiens et des juifs consistant à ne pas être musulmans !
Le burkini jette le trouble
Dans la foulée de l’arrêté pris le 28 juillet par le maire (LR) de Cannes, les arrêtés municipaux anti “burkini” (cette combinaison de bain utilisée par certaines femmes musulmanes) se multiplient : après le Touquet et Oye-Plage dans le Pas-de-Calais, Sisco en Haute-Corse, et Leucate dans l’Aude, après Villeneuve-Loubet et Mandelieu-La Napoule, dans les Alpes maritimes, la commune de Cap d’Ail vient elle aussi d’interdire cette tenue de bain islamique, relève Boulevard Voltaire : “L’arrêté indique (…) que “dans le contexte particulier” des attentats terroristes en France, “une tenue de plage manifestant de manière ostentatoire une appartenance religieuse (…) est de nature à créer des troubles à l’ordre public (…) qu’il est nécessaire de prévenir””. Nice a fait de même le 19 août.
Saisi le 12 août d’un recours contre cet arrêté par le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et trois particuliers, le tribunal administratif de Nice a considéré que la décision du maire ne constituait pas une “atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale” rapporte Le Monde. “Les maires ont reçu un soutien franc en la personne du Premier ministre qui assure “comprendre” les élus” constate BFMTV. Colère d’Abdallah Zekri, le président de l’Observatoire contre l’islamophobie au Conseil français du culte musulman (CFCM), qui “s’en est pris de manière virulente aux déclarations de Manuel Valls et de Jean-Pierre Chevènement”. Ce dernier, pressenti pour prendre la tête de la Fondation pour l’islam de France, avait conseillé la “discrétion” aux musulmans dans l’espace public. L’ancien ministre, fondateur du MRC, est revenu sur ses propos, le 17 août, au micro d’Europe 1 : “Il faut que chacun cherche à s’intégrer à la société française. Chacun doit faire un effort pour que, dans le cadre de la République laïque, ce soit la paix civile qui l’emporte”. Tout en rappelant que l’objet de la Fondation pour l’islam de France n’était pas de donner son avis sur le burkini, mais de “créer des ponts”, Jean-Pierre Chevènement a précisé sa pensée sur cette affaire : “Les gens sont libres de prendre leur bain costumés ou non. Ma position, c’est la liberté, sauf nécessité d’ordre public. Quand il y a la possibilité de heurts, le maire est fondé à prendre des arrêtés”.
Voilà encore une affaire typiquement française, s’étonne La Vie : “Le débat sur l’interdiction du “burkini” illustre une nouvelle fois les crispations hexagonales sur les questions de laïcité et d’intégration”. “Cachez ce burkini que je ne saurais voir”, raille Christian Vanneste sur Boulevard Voltaire mais il ajoute : “Cette tenue est, en fait, insupportable parce qu’elle nous jette à la figure la présence, chez nous, de gens qui n’aiment pas notre façon de vivre et affichent de manière ostentatoire leur différence, voire leur hostilité. Le costume n’est pas qu’une coutume, mais un message. Il dit qui vous êtes, et en l’occurrence se fait signal, un signal d’affrontement délibéré”.
Une conquête de l’espace public
Dans ces débats, ce n’est donc pas l’argument de la laïcité qui est “juridiquement le plus important” mais celui de l’ordre public, estime Jacques Sapir dans Causeur : “On comprend qu’une poignée, quelques milliers au plus, de personnes veuillent “tester” le principe de laïcité dans l’espoir, à terme, d’imposer comme “coutume” des pratiques publiques différentes entre appartenance religieuse. Mais ceci relève du projet politique et implique une réponse politique. L’argument de “l’ordre public” est clairement déterminant dans le court terme, et c’est ce qui a justifié l’arrêt du tribunal administratif. (…) La République n’a pas à dicter le “dogme” de quelque religion que ce soit, mais elle a le devoir de mettre un terme aux provocations religieuses de certains, que ces provocations prennent des formes vestimentaires ou qu’elles prennent la forme de revendication à des séparations sur des espaces devenus publics de fait”.
C’est bien cette conquête de l’espace qui est en cause dans la rixe survenue le 13 août dans une crique de Sisco, en Haute-Corse, où il n’y avait pas de femme portant un “burkini” mais bel et bien la volonté de privatiser un espace public selon les propos du procureur Nicolas Bessone rapportés par L’Express (18 août) : ““À l’évidence, à l’origine des incidents se trouvent des membres de la famille maghrébine. Ils ont voulu, dans une logique de caïdat, s’approprier la plage et la privatiser”, a affirmé le procureur, ajoutant : “Ils ont multiplié […] des incidents avec un certain nombre de personnes : jets de pierre à proximité d’autres personnes pour les intimider, tensions très fortes, insultes, menaces””. Toutefois, le tribunal correctionnel de Bastia a accordé aux trois frères d’origine maghrébine, vivant à Furiani, au sud de Bastia, qui comparaissaient avec deux habitants de Sisco comme protagonistes de cette rixe, le report du procès au 15 septembre pour un meilleur examen des dossiers, relaie le Huffington Post.
Que faire des djihadistes français ?
“Alors que le groupe État islamique recule depuis des mois en Syrie et en Irak, une question en particulier taraude les responsables politiques et sécuritaires : que faire des djihadistes français qui tenteront de revenir dans l’Hexagone lorsque Daesh perdra tous ses territoires ?” rapporte Le Parisien (17 août), “Car, selon les derniers chiffres, la France reste le pays européen le plus touché par le phénomène djihadiste avec 680 adultes, Français ou résidant en France, présents actuellement en Syrie et en Irak et 420 mineurs. (…) Bien sûr, les derniers attentats de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray ont montré que des individus radicalisés pouvaient tuer sans avoir besoin de bouger de chez eux. Mais les autorités françaises craignent également une réédition de l’attaque du Bataclan et des terrasses parisiennes de novembre 2015 (130 morts) par des militants revenus du front”.
Le SOS du maire de Calais
En attendant des jours meilleurs, la France fait le gros dos face aux menaces d’attentat : après la mairie de Lille au début du mois d’août, celle de Béthune a décidé d’annuler la braderie annuelle qui devait se tenir le lundi 29 août, annonce La Voix du Nord. Mais ces contretemps et manques à gagner sont peu de chose à côté de la situation à Calais. Sur RTL, le 18 août, le maire de la ville*, Natacha Bouchart (LR), n’a pas caché son exaspération face à la multiplication des violences, vols et agressions, dans et autour de la “jungle” où s’entassent de plus en plus de migrants : ““Il y a eu des compagnies (de CRS) retirées pendant l’Euro. Les forces de l’ordre ne sont pas suffisamment accompagnées.” Le maire de Calais dit regretter une inaction du côté du ministère de l’Intérieur qui se contenterait “d’enregistrer les faits”. “On veut minimiser les faits et ces drames et on ne se sent plus en sécurité. On attend toujours un dispositif clair d’un futur démantèlement qui n’a pas l’air d’arriver””.
*Rappelons avec l’Académie française que “maire est un nom masculin, que la personne qui exerce cette fonction soit un homme ou une femme”.