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Peau d’âne : un conte Burkinabé

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Alexis K. Ouedraogo - publié le 10/08/16
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En Afrique de l’Ouest, les Chinois veulent la peau du “cheval du pauvre”…S’il y a un phénomène qui inquiète les Burkinabé et leurs autorités depuis des mois, c’est bien l’abattage massif et excessif des ânes. La situation est inquiétante, voire alarmante – la qualifier de “génocide” ne serait pas de trop. Si les ânes en sont les victimes, les bourreaux sont les ressortissants de la Chine continentale, appuyés dans leur basse besogne par des acolytes locaux.

Au Burkina Faso, l’affaire est prise au sérieux. En effet, le mercredi 3 août dernier, au cours de leur conseil hebdomadaire, les ministres ont adopté un “décret portant règlementation de l’abattage et de l’exportation des asins, des camelins, des équins et de leurs produits au Burkina Faso”.

Un trafic d’ânes à grande échelle 

De quoi s’agit-il exactement ? Depuis des mois, un trafic d’ânes à grande échelle s’organise, aboutissant à leur abattage systématique par l’intermédiaire de réseaux s’étendant dans tout le pays, sous le nez des autorités administratives et politiques. Une indifférence qui a laissé les populations toutes pantoises. Aussi ont-elles décidé de les interpeler sur la question.

Ainsi, les Yarcé, un groupe ethnique ayant adopté l’âne comme compagnon de vie et moyen de transport depuis la nuit des temps dans le commerce à travers l’Afrique sub-saharienne, ont attiré l’attention du ministre des ressources animales : “Voilà maintenant six mois que nous assistons, impuissants, à ce qui pourrait être assimilé à “un génocide” de l’espèce asine au Burkina Faso. Depuis quelques mois, il est donné de constater que la peau d’âne est prisée par des Chinois installés au Burkina. Ces derniers procèdent à des abattages, en masse et sans états d’âmes, de nos fidèles “animaux de compagnie”. Or, comme vous le savez, l’âne fait partie intégrante du quotidien et de la culture et des habitus Yarga, ainsi que des différentes chevauchées des fils et filles du Burkina Faso, pour le développement de leur pays et le bien-être de tous les Burkinabé”, s’exprimait le porte-parole des Yarcé.

Destination finale : Hong-Kong, en Chine 

Bien avant cela, ce sont les habitants de Balollé, village situé à une vingtaine de kilomètres de la capitale, Ouagadougou, qui avaient exprimé leur saturation des odeurs des carcasses d’ânes se dégageant d’une usine d’abattage et de dépeçage qu’ils ont mis à sac.”Un investisseur chinois arrive à chaque fois avec une remorque pleine de baudets, demande d’enlever les peaux, puis repart en laissant les restes des animaux sur place. À un moment donné, il en amenait tellement qu’on n’arrivait plus à écouler la viande, et qu’on était obligés de la brûler”, affirme un habitant du village.

Un responsable de la douane burkinabé confirme ce témoignage en ces termes : “Entre octobre 2015 et janvier 2016, environ dix-neuf tonnes de peaux d’ânes ont été exportées du Burkina Faso, seulement par voie aérienne. Et vers une même destination : Hong-Kong, en Chine”. Selon le ministère des ressources animales, “quelques milliers de bourricots auraient été légalement tués au Burkina Faso en 2015, contre près de 33 000 peaux exportées”. Le ministre de la Communication, Rémi Dandjinou, a affirmé “qu’au moins 45 000 ânes avaient été abattus en moins de six mois sur une population totale d’environ 1,5 millions. Le gouvernement a affirmé vouloir prochainement légiférer sur la question”. Chose désormais faite à travers le récent décret adopté.

La peau d’âne : précieux ingrédient pour cosmétiques 

Mais, pourquoi donc cet intérêt des Chinois pour la peau d’âne ? De l’avis d’un Chinois installé au Burkina et qui aurait aidé à exporter les peaux de quatre mille ânes l’année dernière, la peau d’âne aurait une certaine importance dans la fabrication de médicaments à l’usage des femmes. La population asine étant en baisse sur le sol chinois, ils se sont tournés vers le continent africain, et plus précisément en Afrique de l’Ouest.

En outre, d’autres articles, notamment dans la presse nigériane, font état de commerce similaire et évoquent un produit participant à la confection des produits anti-âge. La peau d’âne, composée d’une grande quantité de gélatine appelée “ejiao” en Chine, et utilisée pour la médecine traditionnelle : transformé dans de l’eau chaude, le produit soignerait “les vertiges, l’anémie et les insomnies”.

Une ruée qui n’est pas sans conséquence, d’autant qu’elle a fait grimper les prix. Ce trafic pourrait ainsi engendrer d’une part la disparition de l’espèce asine, et d’autre part, son inaccessibilité pour les petits paysans. Le phénomène tue lentement l’activité agricole des pauvres et, par extension, compromet sérieusement son développement. Il est donc temps d’agir pour protéger cet animal comme on se bat pour la protection d’autres espèces en voie d’extinction.

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