À bord de l’avion qui le ramenait des JMJ à Cracovie, le Saint-Père a expliqué aux journalistes que le fondamentalisme est présent chez les musulmans comme chez les chrétiens et accusé l’Europe d’abandonner ses jeunes.“Non, on ne peut pas dire que l’islam soit terroriste, ce n’est pas vrai et inexact de dire ça”, a déclaré le pape François à bord de l’avion qui le ramenait de Cracovie à Rome, le 31 juillet au soir. Dans sa traditionnelle conférence de presse avec les journalistes qui l’accompagnaient dans son voyage, le Saint-Père a regretté que l’Europe laisse ses jeunes “vides d’idéaux” “s’enrôler dans les groupes fondamentalistes”.
Pas d’amalgame
Voici l’intégralité des propos du pape rapportés par Antoine-Marie Izoard pour l’agence I.media :
“Je n’aime pas parler de violence islamique, parce qu’en feuilletant les journaux je vois tous les jours des violences, même en Italie : celui qui tue sa fiancée, l’autre qui tue sa belle-mère … et ce sont des catholiques baptisés ! Ce sont des catholiques violents. Si je parle de violence chez les musulmans, je dois parler de violence chez les catholiques. Non, les musulmans ne sont pas tous violents, les catholiques ne sont pas tous violents. C’est comme dans la macédoine, il y a de tout… Il y a des violents de cette religion… Une chose est vraie : je crois qu’il y a presque toujours, dans toutes les religions, un petit groupe de fondamentalistes. Nous en avons.
Quand le fondamentalisme arrive à tuer… mais on peut tuer avec la langue comme le dit l’apôtre Jacques, ce n’est pas moi qui le dit. On peut aussi tuer avec un couteau, n’est-ce pas ? Je ne crois pas qu’il soit juste d’associer l’islam à la violence, c’est inexact. J’ai eu un long dialogue avec le grand iman de l’université Al-Azhar et je sais ce qu’ils pensent. Ils cherchent la paix, la rencontre.
Le nonce d’un pays africain me racontait que, dans la capitale où il se trouve, il y a toujours une longue file d’attente pour passer la Porte sainte du Jubilé (de la miséricorde, ndlr). Certains se dirigent vers le confessionnal, les catholiques, mais la majorité s’en va prier à l’autel de la Vierge. Ce sont des musulmans qui veulent faire le Jubilé. Ce sont des frères ! Quand je suis allé en République centrafricaine, je suis allé les voir et l’iman est monté sur la papamobile. Bien vivre ensemble est possible.
Il y a de petits groupes fondamentalistes. Et je me demande, c’est une question : combien de jeunes, nous Européens, avons-nous laissé vides d’idéaux, sans travail, s’adonner à la drogue, à l’alcool ? Ils vont là-bas et s’enrôlent dans les groupes fondamentalistes.
Oui, nous pouvons dire que le groupe “État islamique” est violent. Quand ils présentent leur carte d’identité, ils font voir comment ils tuent les Égyptiens sur les côtes libyennes ou autre, mais c’est un petit groupe fondamentaliste nommé EI.
On ne peut pas dire que l’islam soit terroriste, ce n’est pas vrai et inexact de dire ça.
Le terrorisme est partout. Pensez au terrorisme tribal dans certains pays africains. Le terrorisme c’est aussi… je ne sais pas si je peux le dire car c’est un peu dangereux, mais le terrorisme grandit lorsqu’il n’y a pas d’autre option. Et au centre de l’économie mondiale, il y a le dieu argent, et non la personne, l’homme et la femme, voilà le premier terrorisme. Celui-ci a chassé les merveilles de la Création, l’homme et la femme, pour y mettre l’argent. C’est un terrorisme de base, contre toute l’humanité. Nous devons réfléchir à cela”.
Prière d’intercession auprès des victimes
La veille, le pape François avait demandé à Dieu d’éloigner “la vague dévastatrice du terrorisme” et que les hommes renoncent à tout “désir de vengeance”. Sortant du programme officiel de son déplacement en Pologne, le Pape s’est rendu dans la paroisse franciscaine de Cracovie où il a prononcé une prière pour la paix, demandant à Dieu qu’Il “touche le cœur des terroristes”.
“Aujourd’hui nous venons vers Toi pour Te demander de conserver le monde et ses habitants dans la paix, d’éloigner de lui la vague dévastatrice du terrorisme, de ramener l’amitié et d’inspirer dans les cœurs de Tes créatures le don de la confiance et de la disponibilité à pardonner”, a récité le Pape en l’église Saint-François de Cracovie. Nous prions aussi, a dit François, “pour tous ceux qui sont morts, victimes d’attaques terroristes brutales. Qu’ils intercèdent pour le monde, déchiqueté par les conflits et les affrontements”.
Le Pape a prononcé cette prière au pied des reliques des frères mineurs conventuels polonais Michal Tomaszek et Zbigniew Strzalkowski, tués au Pérou en août 1991 par les guérilleros du Sentier lumineux, et proclamés bienheureux récemment.
Les religions veulent la paix
En toile de fond : l’assassinat du père Jacques Hamel, par deux jeunes islamiste dans son église, et les divers attentats commis à travers le monde. “N’ayons pas peur de dire cette vérité : le monde est en guerre car il a perdu la paix”, avait exhorté le Pape dans le trajet le conduisant de Rome à Cracovie, le 27 juillet dernier. Et “quand je parle de guerre, je parle sérieusement de guerre, pas de guerre de religions ! Toutes les religions veulent la paix et, les guerres, ce sont les autres qui les veulent”, avait-il expliqué aux journalistes en fustigeant “les guerres d’intérêts, les guerres d’argent, les guerres pour dominer un peuple ou de disputer les ressources naturelles”.
Et c’est le message qu’il lancera à la “génération selfie” : “Le monde vous regarde, ça suffit de vous regarder le nombril, de vous noyer dans l’univers des jeux vidéo ou de passer des heures devant un ordinateur… Ne vous laissez pas voler votre liberté, ou anesthésier votre âme, ne cédez pas à la peur et au repli sur soi, à la paralysie, aux fausses illusions, ou au succès à tout prix … Laissez plutôt une empreinte dans l’Histoire en bâtissant des ponts et en allant à la rencontre de vos frères”, les a-t-il exhortés tout au long des JMJ.
Appel aux jeunes à être plus forts que le mal
Jusqu’à l’ultime appel au million de jeunes venu assister à la dernière messe sur le campus Misericordiae de Cracovie : “Soyez plus forts que le mal, en aimant tout le monde, y compris vos ennemis. Certains riront de vous et vous traiteront de rêveurs parce que vous croyez en une humanité autre que celle que nous vivons, qui n’accepte pas la haine entre les peuples, ne voit pas les frontières des pays comme des barrières et conserve ses traditions sans égoïsmes et ressentiments… Ne perdez pas courage… En prêchant l’espérance, vous êtes une bénédiction pour l’unique famille humaine”.
“Jeunes, sortez du confort de vos canapés” et “mettez vos chaussures à crampons” car “notre époque n’accepte que des joueurs de terrain, il n’y a pas de place pour les réservistes”, les avait encouragés le Saint-Père pendant la veillée de prière, le 30 juillet au soir. La réponse à ce monde en guerre, a-t-il ajouté, a un nom : “Elle s’appelle fraternité, elle s’appelle lien fraternel, elle s’appelle communion, elle s’appelle famille”.