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Les premiers réfugiés climatiques sont… Américains !

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Charles Rouvier - publié le 25/07/16
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L’île Jean-Charles, dans le Sud de la Louisiane, aura bientôt disparu de la carte.Le 18 juin 2015, le Pape publiait l’encyclique Laudato Si commençant par l’oraison de Saint François d’Assise, exhortant les chrétiens à défendre dans leurs prières et dans leurs œuvres, l’intégrité de la nature contre l’exploitation irraisonnée dont l’homme se rend coupable. Dieu, qui l’inspirait, avait-il entendu les prières des habitants de l’île Jean-Charles, ceux qu’un an plus tard, durant tout mois de juin 2016, la presse américaine a nommé en grande pompe les “premiers réfugiés climatiques officiels” ?

Un paradis autarcique

L’ “Isle de Jean-Charles” est cachée dans le Sud de la Louisiane, au beau milieu de cette immense plaine où l’eau et la terre s’enveloppent l’une l’autre et qu’on appelle le Bayou. Là-bas, les marrais s’étendent au-delà de l’horizon, de grands cyprès jaillissent des méandres, l’air y pèse sur les épaules comme une cotte de maille, la vie animale et végétale s’y épanouit sans limite.

C’est dans cette région donc que l’île Jean-Charles abrite la tribu des Biloxi-Chitimacha-Choctaw, nation indienne catholique dont chaque famille arbore un nom français. Cette bande de terre porte d’ailleurs le nom de Jean-Charles Naquin compagnon du pirate Jean Lafitte, dont les descendants dirigent encore la tribu. Chassés dans les années 1830 de leurs terres ancestrales situées bien plus au Nord par le gouvernement fédéral, les Biloxi-Chitimacha-Choctaw y recréeront un petit paradis à l’écart du monde où chasse, pêche et culture suffisaient jusqu’ici à couvrir l’essentiel des besoins.

Une disparition programmée 

Mais, nous le savons depuis la traversée de la mer Rouge par Moïse, les eaux source de salut peuvent aussi frapper de mort, et elles se referment maintenant sur l’île Jean-Charles. La terre glisse peu à peu dans le fond de la lagune qui elle même s’enfonce dans la mer. Elle a perdu depuis les années 50 plus des 9/10e de sa surface : autrefois de 150 km2 elle n’en est maintenant à guère plus de trois. Tout le reste a été progressivement noyé, et de 400 habitants autosuffisants, elle est passé à une cinquantaine, nourris par le supermarché de la ville la plus proche.

Quarante-huit millions de dollars viennent d’être alloués (le 21 janvier 2016) par le gouvernement fédéral pour les relocaliser encore, cette fois pour leur bien. Ils laisseront sous les eaux leurs traditions, souvenirs, culture et espoirs.

Focus sur les compagnies pétro-gazières

En cause : les ouragans à répétition, venus balayer la région entre 2005 et 2009 et avec une violence inédite, ainsi que la monté du niveau de la mer certes, aussi. Mais ce sont surtout les compagnies pétro-gazières qui représentent la majeure partie du problème.

Depuis les années cinquante, elles tirent au cordeau d’interminables canaux et pipe-lines, qui ouvrent de grandes avenues aux eaux du delta là où des marrais et bancs de terre absorbaient les crues. Surtout, elles pratiquent le dragage, à savoir que de gros bateaux creusent les fonds lacustres et les reversent un peu n’importe où dans la mer ou les terres; les fonds c’est à dire, in fine, les îles comme l’île Jean-Charles dont les rives remplacent la vase au fur et à mesure.

Personne n’ose vraiment agir, c’est que l’industrie des hydrocarbures est pratiquement le seul gros employeur de l’Etat. La grande raffinerie de Bâton-Rouge ne se dresse-t-elle pas fièrement, visible à dix kilomètres à la ronde, jetant dans l’air de grasses fumées grises, comme le sinistre temple des énergies telluriques ? De son grincement et de ses vapeurs dépendent la prospérité de milliers de familles endettées au-delà de toute solvabilité, c’est-à-dire noyées dans le confort, mais potentiellement à la rue.

Les Biloxi-Chitimacha-Choctaw ne sont que les premiers : 200 millions de personnes dans le monde risquent le même sort. Peut-être ces chrétiens devaient-ils servir d’exemple, partir les premier avant les autres, pour leur “préparer la place”.

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