Un accord officiel en ce sens est en effet signé entre la France et le Saint-Siège ce 25 juillet 2016, au Vatican.Succédant aux Fraternités monastiques de Jérusalem qui y étaient installées depuis dix ans, la Communauté de l’Emmanuel va gérer le domaine romain de la Trinité-des-Monts, propriété des Pieux établissements de la France à Rome, à la rentrée prochaine. “Service de l’Église, culture française et évangélisation : ce sont les trois aspects de notre mission”, confie à I.media le Français Laurent Landete, modérateur de la Communauté de l’Emmanuel.
Les Fraternités monastiques de Jérusalem étaient présentes dans ce haut lieu religieux français de Rome depuis le 1er septembre 2006. Auparavant, la Trinité-des-Monts avait été confiée à la Société du Sacré Cœur de Jésus, présente sur le mont Pincio à Rome depuis 1828. L’ordre des Minimes y logeait du XVe au XVIe siècle. Aujourd’hui, le domaine de la Trinité-des-Monts rassemble une église et un couvent, ainsi qu’une maison d’accueil pour les touristes et les pèlerins, et deux écoles.
I.media : Le domaine de la Trinité-des-Monts est officiellement confié à la communauté de l’Emmanuel. Comment accueillez-vous cette nouvelle mission ?
Laurent Landete : Nous avons été très surpris et très émus de cette demande. Nous y répondons humblement et simplement. En faisant l’histoire de la communauté, on se rend compte que notre vocation est de servir l’existant et de nous insérer dans l’existant, sans créer de structures parallèles. C’est pour cela que, très vite, des paroisses ou sanctuaires nous ont été confiés, tandis que d’autres communautés ont eu la vocation d’avoir des maisons, des prieurés par exemple. Nous accueillons donc cela dans un désir de servir l’Église dans ses différentes structures, et de servir dans la joie et avec une immense gratitude le Saint-Père qui nous interpelle. C’est un vrai prophète, qui nous encourage à aller évangélise r et être missionnaires.
La Trinité-des-Monts est, historiquement, un haut lieu français de Rome. Malgré le rayonnement très international de la Communauté de l’Emmanuel, allez-vous chercher à conserver l’identité française de ce lieu ?
Je dirais plutôt une identité de la culture francophone. La vocation des Pieux établissements français, c’est le rayonnement de la culture francophone. Or, nous nous sommes rendu compte que ce service de la francophonie n’est pas un service étriqué de la langue française, dans un esprit “franco-français“, mais bien une ouverture à la culture d’autres réalités. Le rayonnement de la culture française, quand elle est justement perçue, ce n’est pas de la colonisation, mais de l’inculturation. C’est un échange de dons. C’est donc aborder la question du rayonnement de la culture de la France dans ce lieu de Rome, très ouvert à l’international. A Rome, place d’Espagne (située au pied de la Trinité-des-Monts, ndlr), c’est le monde qui défile ! On aborde donc cela dans un esprit missionnaire. Ensuite, se mettre au service de la culture française implique aussi la dimension spirituelle. On voit bien que ce lieu y est lié. J’ai appris que sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, avant de demander l’autorisation au Saint-Père d’entrer au Carmel, est venue prier ici : c’est Mater admirabilis qui est invoquée là. En outre, les Sœurs du Sacré-Cœur ont été là pendant longtemps. Or le charisme de la Communauté de l’Emmanuel, c’est l’amour de l’Église, de la Vierge Marie, mais aussi du cœur de Jésus.
La Trinité-des-Monts, c’est une église et un couvent, mais aussi un centre d’accueil des touristes et pèlerins, et deux écoles (l’Institut du Sacré-Cœur et la Petite école française). Allez vous pérenniser ces structures ? Avez-vous d’autres projets particuliers ?
Nous n’arrivons pas avec des plans, mais avec le désir de de se mettre au service de ce qui existe, avec cette maison d’accueil, cette école, ce sanctuaire. Ce lieu a une histoire, qui vient de loin, et qui nous dépassera forcément. Cependant, l’école d’évangélisation que nous avions précédemment à la Domus Aurelia à Rome, qui était anglophone, sera transférée à la Trinité-des-Monts, et ne sera plus anglophone, mais italophone et francophone. Dans ce lieu très porteur d’histoire de l’art, j’ai souhaité confier à la communauté de travailler l’évangélisation par la culture et par l’art. Ces jeunes pourraient être des acteurs de la diffusion de ce message, en faisant visiter les lieux, mais davantage comme missionnaires que comme de simples guides. Il y a aussi un lien avec le Centro San Lorenzo (centre pour les jeunes au Vatican, confié à l’Emmanuel, ndlr) : on essaiera de tisser des liens avec ce lieu missionnaire très fort, qui n’est pas strictement lié à la culture française.
La Trinité-des-Monts sera donc surtout un lieu d’évangélisation ?
Oui, à travers la culture, à travers la présence de tous ces touristes pèlerins. Place d’Espagne, on voit bien que le monde entier est là. Quand le pape nous appelle à aller aux périphéries, je vois bien que c’est de ces périphéries là dont il s’agit. Ce sont tous ces touristes qui peuvent très vite devenir pèlerins si on leur dit qu’ils sont la personne que Dieu aime. Service de l’Église et du Saint-Père, culture française et évangélisation : ce sont les trois aspects de notre mission.
La Communauté de l’Emmanuel a fêté ses 40 ans en 2012. En se voyant confier cette nouvelle mission, peut-on dire qu’elle est arrivée à l’âge de la maturité ?
J’ai pour habitude de dire que l’Emmanuel est un enfant, un enfant dans la crèche. Donc j’espère que l’Emmanuel n’est pas une vieille communauté car ce ne serait plus l’Emmanuel ! Bien-sûr, il faut toujours chercher la maturité mais je pense aussi qu’il faut cultiver la fraicheur, la simplicité, l’humilité d’un enfant. Après, évidemment, la réponse à des missions comme celles-ci, c’est la reconnaissance d’une maturité, d’une expérience, même si elle reste simple, au service de l’Église, à travers d’autres projets comme Paray-le-Monial, comme l’Ile Bouchard, comme diverses paroisses qu’on nous a confiées et puis plus récemment les établissements scolaires à Saint-Etienne mais aussi en Haïti, au Congo, ou en cours de réalisation au Burundi.
Propos recueillis à Rome par Bénédicte Lutaud