Le Saint-Père, tout en rejetant la “théorie du genre”, exalte “le génie féminin”.À l’occasion du mois de Marie, le pape François a diffusé une nouvelle vidéo de prière sur les droits et la dignité des femmes.
La vidéo du Saint Père s’attaque aux enjeux sociaux et politiques fondamentaux pour les femmes aujourd’hui : discrimination au travail, violence sexuelle, esclavage moderne. François est connu pour avoir une dévotion intime à l’égard de Marie et sa prière pour que chaque nation honore la “contribution essentielle” des femmes semble personnelle, voire philosophique.
Quand j’ai vu la vidéo pour la première fois, j’ai tout d’abord pensé au livre de Karl Stern datant de 1965 : Refus de la femme. Stern, un psychiatre bavarois-juif qui a fui l’Allemagne nazie et s’est ensuite converti au catholicisme, a exercé la psychiatrie pendant des décennies au Canada.
Fait existentiel ou construction sociale ?
Refus de la femme est un travail holistique alliant psychanalyse, philosophie et biographie. Il débute par un chapitre dans lequel Stern rappelle que pendant des millénaires, les femmes ont subi de terribles formes d’injustice sociale et juridique. Il écrit : “Il n’est pas exagéré de dire qu’elles ont été, et continuent souvent de l’être, les victimes d’une sorte de colonialisme intérieur. Cependant, depuis la Révolution française et l’essor du mouvement féministe, leur appel pour l’égalité s’est transformé en une revendication de similitude”.
Mais la question clé est de savoir si oui ou non la complémentarité va au-delà de la biologie et se situe dans “la personne de l’homme et de la femme”. La complémentarité homme-femme en tant que telle est-elle un fait existentiel ou une construction sociale ?
Stern considère qu’il ne s’agit pas uniquement d’une réalité existentielle mais qu’elle est également présente dans les deux formes de connaissance humaine. Le “masculin” se traduit par une”connaissance scientifique”, un mode d’infiltration et d’analyse froides qui tourne autour de l’objet, alors que le “féminin” se manifeste par une “connaissance poétique”, un mode de réceptivité et d’intuition chaudes qui entre dans l’objet.
Le reste du livre compile des preuves étayant cette thèse grâce à la vie et à l’œuvre de sept penseurs influents. Stern considère qu’accorder trop d’importance à la rationalité et à la séparation d’avec le corps et la nature, coïncide avec des conflits avec le féminin en général et souvent avec la mère en particulier.
La lecture de François par ce prisme nous permet de mieux comprendre son pontificat. Le féminin dans ce sens général ne nous éclaire pas seulement de sa critique d’une théorie du genre “qui vise à supprimer toute différence sexuelle parce qu’elle ne sait plus comment y faire face”, mais aussi “d’un modèle technocratique” rapace qui se limiterait aux « procédures logiques et rationnelles”. Lorsque François dépose des fleurs aux pieds de Marie partout où il va, nous ne voyons pas seulement l’affection chaleureuse d’un fils pour sa mère. Nous voyons une exaltation du “génie féminin” qui guide l’Église.
“N’oubliez pas que l’Église est féminine, c’est la fiancée de Jésus”, a affirmé François lors d’une séance de questions-réponses avec des femmes consacrées. “La fidélité, l’expression de l’amour des femmes consacrées devrait, non par devoir, mais par caractéristique naturelle, refléter la fidélité, l’amour et la tendresse de notre Mère l’Église et de notre Mère Marie”.