Tandis que les dérapages de “Nuit debout” et une affiche de la CGT contre la police font monter les tensions, certaines nominations inspirent une légitime défiance…Dans l’émission “Dialogues citoyens”, le 14 avril, François Hollande avait trouvé “légitime” que des jeunes puissent s’exprimer. Mais en fait de “dialogue” et d’ “expression”, l’exclusion d’Alain Finkielkraut de la place de la République, le soir du 16 avril, passe mal. “On est entre soi à “Nuit debout”. Sur cette prétendue agora, on célèbre l’Autre, mais on proscrit l’altérité. Le Même discute fiévreusement avec le Même”, analyse le philosophe et académicien dans une tribune du Figaro (19 avril). “Et si le mouvement avait au moins cet intérêt de mettre en lumière l’essoufflement, non seulement de la majorité en place, mais d’un système de partis usé jusqu’à la corde ?”, s’interroge Famille Chrétienne. S’il y a un secteur de la vie publique dont l’usure, pour ne pas dire le naufrage, est à mettre au débit de tous ceux qui nous gouvernent depuis un demi-siècle, c’est bien l’université.
“Nuit debout”, dommage collatéral de l’université
Relayant une étude de la sociologue du CNRS Monique Dagnaud parue dans Slate, Éric Verhaeghe , ancien élève de l’ENA, et auteur de Faut-il quitter la France ?, décrit dans Contrepoints le phénomène “Nuit debout” comme un “dommage collatéral de l’université française”. Celle-ci présente en effet le paradoxe de faire de la France la championne de l’OCDE en matière d’ascension éducative : “40% des 25-34 ans ont atteint un niveau de formation plus élevé que leurs parents (…) contre 32% en moyenne dans l’OCDE”… alors que “leur taux de chômage est supérieur à 7%, contre 3,4% en Allemagne, de 2,9% en Grande-Bretagne et de 3,9% aux États-Unis”. Surtout, ce taux de chômage avoisine les 15% pour les détenteurs d’une licence “trois ans après l’obtention du diplôme, soit un taux équivalent au baccalauréat”. En France, ce sont les grandes écoles qui raflent la mise de l’accès à l’emploi rémunérateur : “L’université est au cœur du déclassement social qui crée le malaise de notre jeunesse, analyse Éric Verhaeghe. De ce point de vue, les analogies entre mai 68 et la Nuit debout sont biaisées. Mai 68 était un mouvement de jouisseurs optimistes. La Nuit Debout est un mouvement de frustrés angoissés par l’avenir. La Nuit debout ne veut pas changer la société pour échapper à ses contraintes, elle veut la changer pour pouvoir s’y insérer”.
À quand une vraie réforme de l’université ? Il y a urgence, au moins sur deux points principaux, conclut Éric Verhaeghe : “L’absence de sélection [qui] conduit les universités à consacrer des moyens importants à des filières sans avenir” et “l’incurie” des universitaires qui “s’estiment toujours aussi étrangers à la question de l’insertion de leurs étudiants sur le marché du travail, et les préparent toujours aussi peu à la vie en entreprise”.
Les nuits debout des oubliés de la République
Ni les policiers abreuvés d’insultes et de jets de pierres ou de bouteilles, ni les employés municipaux chargés de nettoyer la Place de la République (sans parler des riverains !) ne garderont un bon souvenir des “Nuits debout” : “Quel est le milieu social où l’on peut se permettre de veiller toute la nuit pendant trois semaines sans incidences sur ses revenus ?”, s’interroge à ce propos Amaury Grandgil dans Causeur. “Je m’étonne grandement (…), en parlant de précarité sociale, que personne ou presque ne se soucie véritablement des personnels de nettoyage de la Mairie de Paris qui chaque jour viennent ramasser les ordures et passer le tout au jet. Eux sont des précaires par contre, le plus souvent mal logés. Où est donc leur place dans les diverses commissions mises en place au sein de Nuit debout ?”
Sans doute y a-t-il parmi ces employés et ces policiers, des habitants des banlieues désertées par la République et livrées à l’anarchie et aux trafics. Certains d’entre eux sont entrés en résistance, rapporte RTL : “Depuis plusieurs soirs à Saint-Denis, des mères et pères de famille se relaient toutes les nuits, après le dîner, au pied d’une tour de la cité Paul Eluard, pour lutter contre le trafic de drogues florissant dans ce quartier de la banlieue parisienne”. Ces habitants excédés se relaient pour des nuits debout face aux dealers.
La CGT met un comble au ras le bol des policiers
En pleine crise de représentativité, la CGT “ne parvient toujours pas à se remettre de la polémique liée à l’appartement de fonction de l’ancien leader cégétiste Thierry Lepaon”, rappelait le Huffington Post alors que s’ouvrait à Marseille le congrès de ce syndicat (18-22 avril). La CGT s’est offert en prime une désastreuse contrepublicité, avec une affiche montrant des pavés couverts de sang, une matraque sur un insigne CRS, avec ce commentaire : “La police doit protéger les citoyens et non les frapper ! Stop à la violence”. Cette affiche n’a pas été du goût du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, ni de deux syndicats de policiers, relève RTL : “L’affiche met “gravement en cause la police nationale”, a estimé Bernard Cazeneuve dans une lettre ouverte à Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, dénonçant la “violence” d’une campagne “choquante”. Le ministre a tenu à rappeler qu’en 2015, pas moins de 18 000 policiers et gendarmes ont été blessés dans l’exercice de leur fonction, et huit ont perdu la vie.’
Force des vieux symboles et des vieilles complicités ! La descente aux enfers de la CGT et son appel à “amplifier la mobilisation” (Libération) contre la loi El Khomri n’ont pas dissuadé le gouvernement de recaser Thierry Lepaon, l’ancien patron de la CGT poussé à la démission en janvier 2015, en lui offrant la direction d’une nouvelle structure créée spécialement pour lui, l’Agence de la langue pour la cohésion sociale –laquelle, tenez-vous bien, va doublonner avec une agence déjà existante ! – comme l’a révélé Europe 1.
Fin de vie : légitime défiance
Autre nomination suspecte : le Journal Officiel du 15 avril a publié l’arrêté du ministère de la santé nommant officiellement le docteur Véronique Fournier à la présidence du nouveau Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie. Cette nomination n’est pas sans inquiéter les milieux médicaux spécialisés sur la fin de vie, relève Alliance Vita : “Véronique Fournier entretient en effet depuis plusieurs années une confusion entre soins palliatifs et euthanasie, en déclarant par exemple : “En France, les soins palliatifs s’opposent à l’euthanasie, or, il faudrait que l’euthanasie devienne le soin palliatif ultime”, ou encore en appelant de ses vœux une “euthanasie palliative” ou un “palliatif euthanasique””.
Alliance Vita s’associe à l’alerte lancée le 19 avril par le Collectif soulager mais pas tuer qui rassemble des professionnels et usagers de la santé opposés à toutes formes d’euthanasie et de suicide assisté : “Cette nomination confirme pleinement notre alerte contre les ambiguïtés contenues dans la nouvelle loi sur la fin de vie, Véronique Fournier étant adepte de “l’euthanasie palliative”, une formule qui entretient de graves confusions. Ceux qui ont cru devoir soutenir la notion de sédation profonde et continue jusqu’au décès ont fait preuve de légèreté et de naïveté. (…) En effet, avec les théories promues par le docteur Fournier, c’est l’euthanasie masquée, sans prise de conscience de la société ni droit à l’objection de conscience des soignants, qui pourrait insidieusement remplacer les véritables soins palliatifs…”.
Rappelons avec Gènéthique.org que dans son exhortation apostolique Amoris Laetitia, le pape François dénonce l’euthanasie et le suicide assisté comme “de graves menaces pour les familles dans le monde entier. Leur pratique est devenue légale dans de nombreux États. L’Église, tout en s’opposant fermement à ces pratiques, ressent le devoir d’aider les familles qui prennent soin de leurs membres âgés et malades” (n°48).