Enquête sur les 300 000 euros dépensés par l’ancien secrétaire d’État pour la rénovation de son appartement.Le Vatican a ouvert une enquête sur le financement des travaux de réfection entrepris dans l’appartement du cardinal Tarcisio Bertone, ancien secrétaire d’État du Saint-Siège, non loin de la Maison Sainte-Marthe où réside le Pape. La nouvelle a été confirmée par le vice-directeur de la salle de presse du Saint-Siège, Greg Burke, précisant les noms des deux personnes soupçonnées de détournement de fonds : l’ex président de hôpital pédiatrique Bambino Gesù, Giuseppe Profiti et l’ex trésorier Massimo Spina.
L’information fait suite à des révélations du journaliste italien de L’Espresso, Emiliano Fittipaldi, bien connu des médias internationaux pour avoir publié en novembre 2015 – avec Gianluigi Nuzzi du groupe de Tv Mediaset – deux ouvrages d’enquête publiés après une nouvelle fuite d’informations et documents confidentiels au Vatican. Selon le journaliste, les enquêteurs auraient déjà découvert des documents prouvant que les travaux de remise en état de l’appartement ont été en partie payés par la Fondation Bambino Gesù chargée de recueillir les dons versés en faveur des enfants malades.
Le cardinal Bertone nie en bloc
Le cardinal Bertone a toujours affirmé ne pas avoir été informé de ce versement. Son avocat l’a réaffirmé, précisant que son client “n’a jamais autorisé” la fondation à “payer quoi que ce soit concernant l’appartement qu’il occupe”, comme le prouverait une lettre signée de sa main adressée le 8 novembre 2013 à l’ex-président de l’hôpital. Le cardinal, ajoute son avocat, a cherché lui-même des fonds, mais n’ayant reçu aucune subvention, a payé personnellement le coût des travaux effectués dans l’appartement dus au gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican, propriétaire des lieux.
Les fameux périls dont parlait le Pape
Alors que le Pape prêche la pauvreté et donne l’exemple en vivant dans un 50m2 à la maison Sainte-Marthe, certains hauts prélats vivent dans des demeures somptueuses comme le cardinal Bertone, salésien, logé dans une habitation de 500m2 avec terrasse plongeant sur les jardins et la coupole de Saint-Pierre. Cette histoire de rénovation luxueuse avait beaucoup fâché le pape, lui qui, depuis le début de son pontificat ne cesse de lutter contre “les mondanités” dans l’Église.
“Le danger de la mondanité est un très grand péril (…). Nous devons tous nous dépouiller de cet esprit du monde qui est contraire aux Béatitudes et à l’esprit de Jésus. Cet esprit mondain nous rend malades (…) c’est un tue-l’âme pour les hommes et l”Église (…), la lèpre, le cancer de la société, l’ennemi de Jésus”, avait-il dénoncé en octobre 2014, dans la salle où saint François – le Poverello – en 1206, s’était délesté de ses vêtements devant son père pour montrer qu’il renonçait aux biens terrestres.
La question : “L’appartement du cardinal Bertone a-t-il été payé avec l’argent de l’hôpital Bambino Gesù ?”, courait sur toutes les lèvres. Dans Avarice, Emiliano Fittipaldi fait état du patrimoine immobilier du Saint-Siège – des “appartements de fonction” se défendent les cardinaux – avec chiffres à l’appui. Et c’est là qu’il cite le document scandale faisant état de 200 000 euros versés par la Fondation Bambino Gesù à l’hôpital pédiatrique pour la restructuration de l’appartement du cardinal. Depuis, la fondation a été remaniée : un nouveau conseil de direction a été nommé par le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin, avec de nouveaux statuts et une nouvelle mission : transparence, solidarité et innovation.
À cette occasion – face aux accusations de détournement, privilèges, incompétence des administrateurs – le directeur du bureau de presse du Saint-Siège, le père Lombardi, avait du faire une mise au point sur l’origine des biens de l’Église “destinés en réalité à soutenir dans le temps des services très vastes gérés par le Saint-Siège ou par des institutions qui lui sont affiliées, à Rome et ailleurs dans monde”.
Procès “Vatileaks”
Le procès “Vatileaks”, qui juge cinq personnes pour la fuite de documents confidentiels du Vatican, avait repris le 14 mars dernier mais a été aussitôt repoussé au 6 avril pour raisons de santé de Francesca Chaouqui, enceinte de 6 mois. Avec l’ancien secrétaire de la Préfecture des affaires économiques du Saint-Siège, Mgr Lucio Angel Vallejo Balda, un Espagnol, la consultante italienne en communication est accusée de piratage informatique et chantage présumé, au profit des deux journalistes Gianluigi Nuzzi et Emiliano Fittipaldi, qui figurent parmi les prévenus, pour avoir divulgué les documents confidentiels. Ces derniers estiment n’avoir “fait que leur travail, c’est-à-dire publier des informations”.