Cinq catholiques, trois coptes, trois musulmans et un hindou, assis les uns à côté des autres. Comme Jésus avec ses douze apôtres, à la veille de sa mort, le Pape se baisse, lave et baise leurs pieds. Ces hommes et ces femmes sont tous des réfugiés demandeurs d’asile, originaires du Nigeria, du Pakistan, de l’Inde, d’Erythrée et de Syrie. Et le pape vient de leur transmettre "la caresse de Dieu", comme il le fait chaque année, à la Cène du Seigneur, le Jeudi Saint. Pour faciliter les échanger entre eux et le Pape, trois interprètes : un Afghan, un Malien et un Érythréen.
Au centre pour réfugiés de Castelnuovo di Porto, située à 30 km au nord de Rome, qui accueille près de 900 migrants, la plupart africains, la cérémonie se déroule tout en douceur, sobrement, mais dans une atmosphère ô combien chargée d’émotion. Les larmes coulent sur les visages des migrants. Pour eux, "il n’y a pas plus gentil, plus fort et plus grand sur la planète" que le pape François.
Trois jours après les terribles attentats de Bruxelles, et une ferme condamnation contre "la violence aveugle" des terroristes, le Pape tend la joue droite : "Il y a trois jours il y a eu un geste de guerre, de destruction. Nous ici, nous avons différentes religions et culture et par ce geste nous disons que nous sommes frères et voulons vivre en paix", a-t-il déclaré à l’homélie.
La messe se déroulait en plein air, et comme le souhaitait le Pape, à l’abri des caméras et de la presse du monde. Il parle sans texte devant lui, prenant tout son temps pour expliquer aux migrants et réfugiés le sens de la célébration. Pour cela il leur illustre les deux gestes significatifs de l’Évangile du Jeudi Saint : d’un côté Jésus qui lave les pieds des plus petits… alors qu’il est le chef… et de l’autre Judas qui Le livre et se rend chez ses ennemis pour prendre ses 30 deniers gagnés en échange de sa trahison.
Judas et les kamikazes
Le geste de Judas est celui des kamikazes de Bruxelles, le 22 mars : "Il y a trois jours, un geste de guerre, de destruction, dans une ville de l’Europe, de gens qui ne veulent pas vivre en paix. Mais derrière ce geste, comme derrière Judas, il y en avait d’autres, les trafiquants d’armes qui veulent le sang, non pas la paix, qui veulent la guerre, pas la fraternité", accuse le pape. Puis il se tourne vers les réfugiés, et leur annonce : "Aujourd’hui - en ce moment-même et au moment où je m’apprête, comme Jésus, à laver les pieds à douze d’entre vous - nous accomplissons un grand geste de fraternité… c’est comme si nous disons tous : nous sommes différents, avons des cultures et des religions différentes, mais nous sommes tous frères et voulons vivre en paix". Et d’insister sur la portée de l’événement : "Voilà le geste que je fais avec vous. Chacun de nous porte une histoire. Tant de croix, tant de douleurs, mais un coeur ouvert qui veut cette fraternité".
Et une dernière invitation à l’assemblée avant de passer au rite proprement dit : "Que chacun, dans sa langue religieuse, prie le Seigneur que cette fraternité puisse se répandre, contaminer le monde, afin qu’il n’y ait plus une histoire de 30 deniers derrière la mort d’un frère, pour que régne toujours la fraternité et la bonté".