“Demain je serai une autre personne. L’homme le plus fort, le plus grand et le plus gentil de notre planète aura lavé mes pieds”, confie Sira, très ému du centre pour réfugiés à Castelnuovo di Porto où le Pape célèbre cette année la Cène du Seigneur.
Après les jeunes détenus d’une prison de la périphérie de Rome, en 2013, des personnes âgées et handicapées en 2014 et 2015, le pape François a décidé de passer la soirée du Jeudi Saint, ce 15 mars, dans un centre d’accueil de réfugiés, pour célébrer avec eux la Cène du Seigneur et le rite du lavement des pieds des douze apôtres par Jésus, la veille de sa mort. Ce centre se trouve à Castelnuovo di Porto, une petite ville de 9 000 habitants située à 30 km au nord de Rome. Il accueille près de 900 migrants africains, surtout des garçons de moins 30 ans, arrivés en Italie irrégulièrement et qui attendent d’obtenir le statut de demandeurs d’asile.
Le respect amène à la paix
“Un geste simple mais très éloquent”, commente Mgr Rino Fisichella, président du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation et organisateur du jubilé de la Miséricorde, dans L’Osservatore Romano. Le Pape s’abaissera en effet pour laver les pieds de douze réfugiés, dont plus de la moitié ne sont pas catholiques, pour leur transmettre “la caresse de Dieu” et rappeler à tous les croyants que “la voie du respect est la voie à suivre pour arriver à la paix”, a-t-il ajouté.
“Le Jeudi Saint, Jésus institue l’Eucharistie, en anticipant, dans le banquet pascal, son sacrifice sur le Golgotha. Pour faire comprendre à ses disciples l’amour qui l’anime, Il leur lave les pieds, leur donnant une fois encore, en personne, l’exemple de la façon dont ils doivent eux-mêmes agir”, a rappelé le pape François, hier à l’audience générale, en illustrant le sens des trois jours du Triduum pascal, dans sa catéchèse.
Après les détenus, les malades et handicapés, cette visite dans un centre de réfugiés est une nouvelle invitation à rappeler l’amour que doit avoir tout chrétien pour son prochain, à un moment où “des millions de réfugiés sont en train de révéler au monde les vrais traits d’un nouvel exode massif de gens abandonnés, sans toit ni patrie”, souligne Mgr Fisichella. Il rappelle que ce déplacement massif est “une fuite forcée”, entreprise “à contrecœur, sous la pression de violences gratuites, de vaines guerres et de la faim”, vers des contrées le plus souvent imaginées comme des terres de salut et qui ne le sont pas, où les réfugiés “sont confrontés aux violences policières, au mépris des populations, et aux inerties administratives”.
Témoignages
Sira, Luchia, Mohamad sont trois des douze réfugiés qui participent au rite du lavement des pieds :
Sira est né dans le Nord du Mali, où les djihadistes avancent dangereusement. Il est venu chercher refuge et protection pour sa famille et lui en Italie. Siria est ému. Il est convaincu que sa vie changera une fois que le Pape lui aura lavé les pieds, confie-t-il à Valerio Cataldi, pour articolo21.org.
Luchia est une chrétienne copte qui a fui la dictature en Érythrée. Elle serre contre elle l’enfant qu’elle portait dans son ventre quand elle était emprisonnée en Libye, et dont elle a accouché en arrivant en Italie, en octobre dernier. Elle l’a appelé Merhawit qui veut dire “espérance”. Comme Siria, elle nourrit plein “d’espérance” dans ce geste du Pape, se sent “honorée (…) privilégiée”. Et comme elle et Sira, les dix autres réfugiés qui viennent du Pakistan, de l’Inde, du Nigeria et de Syrie.
Rien qu’en Syrie, la guerre a provoqué la fuite de près de 5 millions de ressortissants, essentiellement vers le Liban, la Turquie et la Jordanie. Mohamad arrive de Syrie. Il se dit “fier d’être le premier Syrien” à rencontrer le pape François. Comme tous les autres, il ne revient toujours pas de “ce cadeau”, confie-t-il au journaliste italien. Khuram, à côté de lui, est tellement ému qu’il ne trouve pas les mots, lui qui a traversé la moitié de la terre à pied pour fuir le Pakistan, où il était destiné à devenir ingénieur mais a dû fuir face aux menaces d’islamistes radicaux.
Chacun de ces réfugiés a eu son persécuteur, et a tout fait pour lui échapper. Et alors que l’Europe élève ses murs et scelle des accords avec des pays comme la Turquie, à Castelnuovo, relève Angela, membre de la coopérative italienne Auxilium, on célèbre la solidarité par “un geste de grande humilité qui devrait faire réfléchir tout le monde”. Angela est la seule Italienne à participer au rite du lavement des pieds.
“L’homme le plus fort, le plus gentil de la Terre”
Le pape François est très inquiet pour ces migrants, ces réfugiés, ces exilés. Et l’indifférence qui perdure à leur égard lui est insupportable : “Je pense à tous ces exclus, ces déplacés, ces réfugiés, abandonnés à leur sort parce que tant de personnes refusent d’assumer leurs responsabilité envers eux (…)”, confiait-il encore à la messe des Rameaux, dimanche dernier, 20 mars, place Saint-Pierre. Et cette inquiétude, les réfugiés la perçoivent. Elle est, avec ses encouragements et ses appels, leur bâton pour avancer et croire en des lendemains meilleurs.
Paroles de Sira : “Demain je serai une autre personne. L’homme le plus fort, le plus grand et le plus gentil de notre planète aura lavé mes pieds. L’homme qui a toujours une pensée pour nous, nous qui souffrons à cause de la guerre et de la dictature, qui n’avons rien à manger : je n’en reviens pas !”.